L'AMF fait évoluer sa doctrine pour relancer les IPO en France : une opportunité pour les PME ?
Actualité publiée le 21/10/25 09:51
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Par Thomas Hornus, associé chez Euroland Corporate
L’Autorité des Marchés Financiers (AMF) a annoncé dans un communiqué de presse du 16 octobre 2025 de nouvelles mesures visant à moderniser et rendre plus attractif le processus d’introduction en bourse (IPO) en France.
Ces évolutions, inspirées des meilleures pratiques européennes et du rapport du Forum IPO de Paris Europlace publié en juillet, s’inscrivent dans le cadre du Listing Act européen et de la loi du 13 juin 2024 pour accroître le financement des entreprises.
Ces ajustements suffiront-ils à redynamiser les marchés pour les PME et ETI, qui peinent depuis des années à accéder à la cotation ?
Un contexte de perte d’attractivité pour la Bourse
Le marché français, comme d’autres en Europe, fait face à une baisse significative des IPO depuis plusieurs années. L’AMF poursuit ses efforts pour simplifier et sécuriser les opérations, après avoir rendu optionnelle en 2024 la tranche réservée aux investisseurs particuliers sur Euronext Paris.
Ces nouvelles mesures visent à réduire les coûts de conformité, accélérer les calendriers et mieux répondre aux besoins des émetteurs et investisseurs, tout en tenant compte des préoccupations de ces derniers.
Les mesures clés annoncées par l’AMF
Les évolutions touchent plusieurs aspects du processus d’IPO :
- Choix du format du prospectus : L’AMF exprime une préférence pour le prospectus tripartite (document d’enregistrement, note d’opération et résumé), qui permet de fiabiliser l’information sur la société en amont. Cependant, elle accepte tout format autorisé par la réglementation européenne, y compris le prospectus unique.
- Communication en amont : Pour les prospectus tripartites, les émetteurs peuvent fixer librement la durée de mise à disposition du document d’enregistrement. Pour les prospectus uniques, un communiqué de presse annonçant le projet d’IPO peut être publié préalablement, une pratique courante aux États-Unis et en Europe.
- Fiabilisation de l’information : Deux dispositifs nouveaux sont mis en place
- une confirmation de fin d’instruction par l’AMF pour les sections du prospectus relatives à la société (dans le cas d’un prospectus unique), et
- la liberté de choisir la langue du prospectus, même pour mobiliser les investisseurs individuels (avec un résumé en français obligatoire).
- Information sur le prix : les émetteurs peuvent indiquer un prix maximum ou une fourchette indicative, sans l’encadrement strict précédent (+/-15 % autour d’un prix pivot). Cela offre plus de flexibilité, tout en respectant le Règlement Prospectus.
- Autres facilités : Les sociétés ont désormais le libre choix d’organiser une réunion de Place au lancement de l’opération (sous l’égide de la SFAF).
Ces mesures complètent les évolutions récentes, comme la flexibilité des calendriers d’approbation (a priori ou a posteriori) et la modification de l’instruction sur l’accès des analystes à l’information.
Ces annonces s’inscrivent dans la montée en puissance de Paris comme hub financier post-Brexit, avec des incitations fiscales et un cadre réglementaire modernisé. En s’inspirant des pratiques anglo-saxonnes et européennes, l’AMF vise à rendre Euronext Paris plus compétitif face à Londres ou Amsterdam.
Pour les émetteurs, cela signifie des coûts réduits et des délais raccourcis, potentiellement plus attractifs pour les introductions sur le marché réglementé ou Euronext Growth. La flexibilité sur la langue et le prix pourrait attirer plus d’investisseurs internationaux, boostant la liquidité.
Ces évolutions ne viennent pas remettre en cause les garde-fous essentiels de la protection des investisseurs, comme l’attestation du prestataire de services d’investissement accompagnant l’IPO ou encore la lettre de fin de travaux des commissaires aux comptes sur le prospectus.
Une avancée pour les PME candidates à l’IPO ?
Ces mesures représentent un pas en avant pour fluidifier les IPO, mais leur impact réel sur les small et mid caps reste à mesurer.
Si elles facilitent les opérations pour les grandes entreprises, en permettant des calendriers resserrés et une communication plus agile, elles pourraient ne pas suffire pour les PME, qui font face à des défis structurels : coûts relatifs élevés de la cotation, volatilité des marchés et défiance des investisseurs du fait de leur taille.
Si le prospectus tripartite, plébiscité, fiabilise l’information, le focus sur la flexibilité risque de favoriser les placements privés auprès d’institutionnels, au détriment d’une vraie démocratisation de l’IPO.
Couplées au Listing Act, ces évolutions pourraient relancer les introductions des small caps, mais des incitations fiscales plus robustes semblent indispensables pour rivaliser avec les marchés internationaux. L’avenir dira si Paris saura redevenir un eldorado pour ces entreprises.