Alors que les taux de crédit immobilier semblaient avoir atteint un plancher cet été, la donne pourrait brutalement changer. La crise politique actuelle pourrait bien faire remonter les taux plus vite que prévu.
C’est une mauvaise surprise qui pourrait perturber la rentrée des acheteurs immobiliers. Depuis plusieurs mois, les taux des crédits immobiliers avaient entamé une lente accalmie, portés par l’espoir d’un assouplissement durable de la politique monétaire. Mais cet équilibre fragile est en passe d’être rompu. En cause : l’annonce d’un vote de confiance par François Bayrou, prévu le 8 septembre, qui pourrait déboucher sur une chute du gouvernement.
Ce climat d’incertitude politique a déjà un effet tangible. L’OAT à 10 ans, indicateur clé auquel les banques se réfèrent pour fixer leurs barèmes, est passée de 3,20 % début 2025 à 3,54 % le 27 août. Une dynamique qui pourrait s’accentuer, selon les professionnels du secteur.
"En juillet et août, l'OAT a déjà subi des hausses, notamment à cause des incertitudes liées aux droits de douane, mais il pourrait encore augmenter à cause de l'instabilité politique", observe Sandrine Allonnier, porte-parole de Vousfinancer.
Les banques changent de stratégie à la rentrée
Contrairement à la dissolution de 2024 où les établissements de crédit cherchaient encore à atteindre leurs objectifs annuels, la situation de cette rentrée est tout autre. Le marché a redémarré fortement au printemps, soutenu par la baisse des taux de la BCE. Résultat : les banques ont déjà bien avancé dans leurs volumes de prêts.
"Lors de la dissolution et des élections de 2024, les banques avaient largement absorbé les hausses des taux d'emprunt d'État car elles étaient en phase de reprise et avaient besoin de prêter", rappelle Sandrine Allonnier.
"Lors de la dissolution en 2024, les banques n'avaient pas encore atteint leurs objectifs annuels, elles avaient besoin de prêter. Cette fois, elles vont largement les atteindre et pourraient donc augmenter leurs taux", ajoute-t-elle.
Et la tendance est déjà visible. Selon le courtier Pretto, les barèmes transmis par les banques pour le mois de septembre affichent des hausses sur toutes les durées, de 15 à 25 ans, pouvant atteindre jusqu’à 20 points de base. Le seuil des 3 % devient difficile à franchir à la baisse, même pour les meilleurs profils.
Vers la fin des taux avantageux pour les meilleurs profils
Si certaines hausses semblent encore contenues (de 0,10 à 0,20 point), elles marquent un tournant stratégique dans la politique de distribution des crédits. Les banques durcissent leurs conditions, anticipant les tensions de la rentrée.
"Les banques, déjà prudentes à la veille de la rentrée, profitent de ce contexte pour resserrer leurs conditions. C’est un signal clair: l’époque des décotes et des taux avantageux pour les meilleurs profils touche à sa fin", explique Pierre Chapon, co-fondateur de Pretto.
Et même les jeunes primo-accédants ne sont plus forcément favorisés. Certains établissements, ayant atteint ou dépassé leurs objectifs, deviennent plus sélectifs.
"Si les banques deviennent plus exigeantes et accordent moins de décotes aux profils qu'elles accueillaient à bras ouverts au cours de la première moitié de l'année, jeunes primo-accédants notamment, c'est aussi parce que certaines ont déjà atteint leurs objectifs commerciaux de production de crédit ou s'en rapprochent", précise-t-il.
Pour ceux qui espéraient une nouvelle baisse des taux dans les mois à venir, le message est limpide : la reprise est terminée. Les marges de manœuvre des banques s’amenuisent, tout comme les effets bénéfiques de la politique monétaire européenne.
Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille renoncer à tout projet immobilier. Mais il faudra, plus que jamais, affûter sa stratégie de financement.
"La remontée des taux ne signe pas la fin des projets immobiliers. Elle impose en revanche d’être plus stratégique : comparer plusieurs établissements, optimiser son apport, mobiliser les aides disponibles comme le PTZ ou les prêts bonifiés", nuance Pierre Chapon.
© AbcBourse.com. Tous droits réservés