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Nouveau Coup de Tonnerre en e-Commerce : Amazon Rachète Diapers.com pour 540M$ !

Par Michel de Guilhermier

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La "pieuvre" continue de s'étendre. Histoire passionnante, il y a beaucoup d'enseignements à tirer de cette nouvelle acquisition d'Amazon !

Il y a juste quelques semaines, Business Week sortait un super article fouillé intitulé "What Amazon Fears Most : Diapers.com". Je trouvais l'article et l'exemple de Diapers.com fascinant.

L'article finissait par "the diaper wars are on". De fait, après cette nouvelle péripétie stragique d'Amazon, la guerre est maintenant finie !

La plupart du temps, Amazon arrive à croître organiquement rapidement dans la plupart des segments e-commerce. Il ouvre une catégorie, fait également appel à sa place de marché pour complémenter son offre propre et disposer ainsi du choix le plus large possible, et roulez jeunesse.

Mais, de temps en temps, il tombe sur un « pure player » qui s'est déja bien imposé dans un segment, un leader opérant sur un marché important, effectuant un boulot impeccable, disposant d'une logistique implacable et jouissant d'une grande confiance de la part des consommateurs.

Amazon a alors beau essayer de le déboulonner, cet acteur a atteint la taille critique pour résister efficacement à la pieuvre de Seattle et lui compliquer la tâche . Et quand il tombe sur un tel os, il est logique de l'éliminer du paysage concurrentiel en le rachetant ! Ce fut le cas pour Zappos dans la chaussure en ligne, et c'est aujourd'hui le cas de Diapers.com dans la couche !

Quelque part l'idée business derrière Diapers.com est assez étonnante et défie les lois de la rentabilité en e-commerce. Comment en effet être rentable dans une telle activité impliquant des produits volumineux, à faible valeur unitaire au kilo, et n'apportant qu'une marge brute très faible (elle n'était initialement que de 4% !) ? Diapers.com est d'ailleurs un exemple intéressant sur lequel je m'étais étendu à la dernière conférence e-commerce & rentabilité du 14 octobre dernier.

3 éléments fondamentaux pour comprendre l'intérêt de créer un leader dans cette catégorie :

- La couche apporte une récurrence importante de la part de la base de clients, une relation fréquente avec celle-ci, que le marchand pourra alors appliquer avec d'autres catégories connexes (ce que Diapers a fait avec Soap.com en avril dernier, puis BeautyBar.com il y a quelques semaines).

- L'extrême complexité et spécificité logistique de cette catégorie (cf plus haut) permet justement de se créer un avantage concurrentiel différençiant en y excellant. C'est exactement ce que les fondateurs ont cherché à faire.

Et bien entendu, plus l'acteur est important, plus il aura la capacité d'optimiser sa logistique, baisser son coût, et ainsi renforcer son avantage concurentiel et son avantage économique.

- Enfin, loi de la distribution et de l'e-commerce, le plus gros est le meilleur en ce qui concerne les marges, histoire de mieux négocier avec ses fournisseurs ! Avec 250M$ de CA dans la couche bébé, Diapers était devenu un acteur significatif dans cette catégorie aux US.

Même si Zappos et Diapers avaient réussit à créer des positionnements solides, faisant mieux que résister à Amazon, leurs actionnaires n'en n'ont pas moins conclu - pragmatiquement - que la meilleure création de valeur restait quand même de se vendre !

Pourquoi ? Car même en ayant un très beau business, parfaitement huilé question logistique, si Amazon décide de lancer une guerre des prix, comme il l'a fait justement dans la couche, ce beau business ne vaudra plus grand chose...

Et la taille d'Amazon, ainsi que la diversité de son offre, lui permettent de soutenir une guerre des prix plus longtemps qu'un « pure player ».

A 540M$ tout en cash (contrairement à Zappos qui était à 90% en actions Amazon, ce qui n'était pas plus mal non plus vu qu'elles ont après flambé), les fondateurs de Diapers, 38 ans tous les 2, font une très belle affaire 5 ans après la création de leur entreprise. Chapeau bas, une belle vision parfaitement exécutée.

Le dernier tour de table était sur une valorisation de 300M$, ce qui veut dire que les derniers investisseurs n'ont sans doute pas fait une énorme culbute (tout dépend cependant de la clause de liquidation). Mais ils ont su être pragmatiques, il vaut parfois mieux se vendre avec un profit raisonnable, que rêver, surtout avec un Amazon en face. Et 540M$, c'est aussi près de 2x le chiffre d'affaires, ce qui est de facto une très belle valorisation dans l'absolu, compte tenu du fait que Diapers devait à peine être rentable (voire même en perte ?). Et c'est pour Amazon le prix du leadership...

La progression inéluctable et la domination d'Amazon commence à devenir inquiétante. Dans le paysage concurrentiel mondial de l'e-commerce, il serait quand même bien de voir émerger un Amazon bis ! Ne serait-ce que pour offrir plusieurs portes de sortie lors de la revente !

Mais actuellement, on ne voit rien venir, même si plusieurs distributeurs spécialisés réalisent des CA très significatifs en e-commerce : un Best Buy dans les biens électroniques qui va approcher les 3 Milliards $ de CA cette année, Toys R Us qui devrait faire 700M$ (en partenariat avec GSI Commerce) ou chez nous la FNAC et Darty qui réalisent 10% de leur CA dans le online soit quelques centaines de millions d'euros. Mais en ce qui concerne les généralistes, Walmart ne dépassera pas 5Mds$ online cette année, soit le 1/6ième d'Amazon, et Target, n°2 de la distribution aux USA, ne fera que 1,5Mds$. On est très loin d'Amazon qui, aux US, dépasse 10% de part de marché e-commerce, soit le double d'il y a 5 ans.

A noter que cette acquisition est parfaitement en ligne avec mes prévisions données début 2010 ! Pour anticiper les suivantes, il faut d'abord chercher les gros pure players leaders clairs de leur catégorie. Il n'y en a pas tant que cela en fait !

Les 5 plus gros pure players US indépendants sont : NewEgg, 2,5Mds$ de CA en biens électroniques, Netflix (pas loin de 2Mds$ dans la location de DVD et la VOD), Overstock, le gros discounter généraliste avec pas loin de 1 Milliard $ de CA en 2010, VistaPrint, 800M$ en 2011 (juin 2011), Blue Nile, 350M$ prévus en 2010.

Michel de Guilhermier

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