Cet article ne porte en fait sur Apple qu‘à titre d’illustration, mais
l’analyse est générale et porte sur la valorisation des sociétés et leur prix, 2
choses très différentes ...
Apple est non seulement une de mes valeurs favorites, mais il faut savoir que
c’est aussi la valeur favorite de beaucoup de monde, puisque c’est l’action qui
est la plus échangée au monde : 3% du capital et 3Mds$ en valeur sont échangés
tous les jours, ce qui ne doit pas être loin du total des échanges de l’ensemble
du marché parisien (c’est une des raisons pour lequel je le qualifie de marché
"exotique").
Aujourd’hui, sur les marchés financiers, c’est la saisons des soldes, voire du
déstockage, une sorte de gigantesque vente privée, sur tout, y compris sur de
belles valeurs !
Un banquier me rappelait tout récemment qu’il y avait aujourd’hui une forte
déconnexion entre les "prix" des sociétés et leur "valeur économique". Ceux qui
ne se faisaient pas prier pour payer 12-15 fois l’EBIT il y a 2 ans considèrent
maintenant que 7x l’EBIT c’est déja beaucoup ! Paradoxe qui pour être étonnant
n’en est en fait pas un, les actifs financiers ont un prix, comme tout, qui est
lié à leur valeur intrinsèque mais aussi et surtout au "marché".
Et le "marché", c’est ce qu’accepte de payer les gens en fonction de leur
pouvoir d’achat, de leur pouvoir de négociation, de facteurs psychologiques
(beaucoup), d’anticipation sur le futur, de leurs alternatives, de guts pour
miser ou pas, etc. Et tout cela évolue bien évidemment, grandement !
A l’extrême, rappelons nous qu’en 1999 et début 2000, ces années folles, les
financiers valorisaient des sociétés une fortune sur un simple business plan,
alors que maintenant une société se valorise par rapport à son EBIT, et s’il n’y
en a pas, ça ne vaut peut-être même pas son cash.
Retour illustratif sur Apple
Apple est aujourd’hui une société bien plus grosse et solide qu’il y a 8 ou 9
ans, plus de 30Mds$ de CA (5 fois plus), avec une activité se répartissant sur 3
grosses business units (contre 1 seule à l‘époque) : les ordinateurs, où elle
occupe une position spécifique, les lecteurs MP3, où elle est archi-leader avec
au moins 75% de part de marché, et les Smartphones où elle a fait en 18 mois une
percée remarquable.
Par ailleurs, la société est sans doute aujourd’hui la première (ou au moins
dans le top 3) des sociétés US pour la réserve de cash net disponible (cash –
dettes). 30 milliards de dollars sont dans ses caisses et il n’y aucune dette ce
qui est un sacré atout par les temps qui courent, où la problématique de
restructuration de la dette est générale. Que dire de l’emblématique General
Electric qui a plus de 500 milliards de dollars de dettes ...
D’un autre côté, le sweetspot d’Apple dans les ordinateurs reste une niche. Le
marché des lecteurs MP3 est arrivé à maturité et est au mieux stable, et la
concurrence dans les Smartphone va être terrible avec tous les géants de la
place qui vont s’affronter : Google, Nokia, Microsoft, RIM, etc...
Et quand je vois les multiples actuels d’Apple, je me dis pas qu’on en est pas
encore arrivé fondamentalement à une zone de "bonne affaire". Avec un P/E de 16
sur les estimations de bénéfice 2009 qui vont certainement être revues à la
baisse (faisant alors monter le P/E a au moins 20) et un ratio EV/EBITDA de
presque 8, ce n’est pas donné dans le marché actuel, loin de là.
JP Morgan a vendredi dernier downgradé Apple (de 102$ à 100$, la belle affaire
!), faisant baisser le titre de 4% à 85$ environ, mais dans le contexte du
marché actuel je le vois aujourd’hui allègrement descendre sous les 80 et même
peut-être 70$, prix à partir duquel on achèterait alors de la "valeur" (car
c’est une très belle société) à un "prix discount". En résumé, j’attends
maintenant encore une baisse d’Apple d’au moins 15% avant de sauter dessus...
Michel de Guilhermier (son blog)
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