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Valorisation d'une société ou valeur en bourse ?

Par Michel de Guilhermier

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Cet article ne porte en fait sur Apple qu‘à titre d’illustration, mais l’analyse est générale et porte sur la valorisation des sociétés et leur prix, 2 choses très différentes ...

Apple est non seulement une de mes valeurs favorites, mais il faut savoir que c’est aussi la valeur favorite de beaucoup de monde, puisque c’est l’action qui est la plus échangée au monde : 3% du capital et 3Mds$ en valeur sont échangés tous les jours, ce qui ne doit pas être loin du total des échanges de l’ensemble du marché parisien (c’est une des raisons pour lequel je le qualifie de marché "exotique").

Aujourd’hui, sur les marchés financiers, c’est la saisons des soldes, voire du déstockage, une sorte de gigantesque vente privée, sur tout, y compris sur de belles valeurs !

Un banquier me rappelait tout récemment qu’il y avait aujourd’hui une forte déconnexion entre les "prix" des sociétés et leur "valeur économique". Ceux qui ne se faisaient pas prier pour payer 12-15 fois l’EBIT il y a 2 ans considèrent maintenant que 7x l’EBIT c’est déja beaucoup ! Paradoxe qui pour être étonnant n’en est en fait pas un, les actifs financiers ont un prix, comme tout, qui est lié à leur valeur intrinsèque mais aussi et surtout au "marché".

Et le "marché", c’est ce qu’accepte de payer les gens en fonction de leur pouvoir d’achat, de leur pouvoir de négociation, de facteurs psychologiques (beaucoup), d’anticipation sur le futur, de leurs alternatives, de guts pour miser ou pas, etc. Et tout cela évolue bien évidemment, grandement !

A l’extrême, rappelons nous qu’en 1999 et début 2000, ces années folles, les financiers valorisaient des sociétés une fortune sur un simple business plan, alors que maintenant une société se valorise par rapport à son EBIT, et s’il n’y en a pas, ça ne vaut peut-être même pas son cash.


Je suis de l‘école qui pense que la valeur d’une société repose sur ses flux futurs actualisés de free cash flow (valeur actuelle nette). Autrement dit, très logiquement, ce n’est pas une baisse de 50% des bénéfices 2009 qui fait diminuer la valeur d’une société de 50%, mais seulement une baisse de 50% de l’ensemble de ses flux de cash futurs. Autrement dit, seul un changement fondamental du marché ou de la situation concurrentielle pourrait motiver une telle baisse de la valeur intrinsèque d’une société.

De nouveau, "Price is what you Pay, Value is what you Get". Il faut toujours s’efforcer de distinguer la valeur du prix. Aujourd’hui, on peut acheter de la "valeur" à prix bien plus intéressant qu’il y a 2 ans !

Les prix des actifs et les marchés financiers ont des cycles, mais ils sont très largement décorrélés des valeurs intrinsèques des sociétés, qui sont elles fondamentalement fonction de quelques paramètres économiques. Sans rentrer dans un cours de stratégie, je dirais que les "5 forces de Porter" formalisent bien la capacité intrinsèque de bénéfice d’une société : pouvoir de négociation avec ses clients et ses fournisseurs, existence de produits de substitution, barrières à l’entrée ou pas dans le secteur, etc.

Cette décorrélation est fondamentale et entraîne 2 choses :

* Je ne crois pas du tout en l’efficience des marchés financiers.
* Le point clé pour être un bon investisseur est de garder intact sa capacité d’analyse libre. On en revient encore à l’un des principes de Warren Buffet que j’ai exposé : "la clé est de savoir manager ses émotions". Pour se faire, être à 2000kms de Wall Street, ça aide ! (excellent livre de Janet Tavakoli "Dear Mr Buffet, what an Investor Learns 1269 Miles from Wall Street")

Investir, c’est simplement analyser pragmatiquement la situation économique et stratégique des sociétés, identifier leur capacité intrinsèque à délivrer du cash flow sur le terme en raison de la qualité de leur position concurrentielle et du type de marché, puis attendre le bon moment pour payer un prix attractif. Ce moment vient toujours puisque les marchés financiers ont des cycles, mais il faut savoir être patient...

Corolaire de la décorrélation entre valeur et prix, ce n’est pas parce qu’un valeur a perdu 50% qu’elle en devient intéressante. Ce n’est pas non plus parce qu’elle a perdu 50% et et qu’elle est en plus de offerte à un niveau de discount par rapport à sa valeur intrinsèque que son prix ne va pas continuer à baisser à court terme. Car ce prix est lui fonction du marché, et il est difficile voire impossible de prévoir ses mouvements à court terme.

Aujourd’hui, comme en 2001-2002, c’est la saison des soldes, et c’est bien ceux qui ont la possibilité mais surtout le sang froid et le "long-termisme" d’investir dans de bonnes valeurs qui seront fortement gagnant dans 3, 4 ou 5 ans (voire plus). Il y a ainsi des cycles : il fallait investir en 1997-1999 et sortir en 2000, revenir en 2001-2002 et sortir en 2006-2007, et il faut maintenant revenir en 2009-2010.

Retour illustratif sur Apple

Apple est aujourd’hui une société bien plus grosse et solide qu’il y a 8 ou 9 ans, plus de 30Mds$ de CA (5 fois plus), avec une activité se répartissant sur 3 grosses business units (contre 1 seule à l‘époque) : les ordinateurs, où elle occupe une position spécifique, les lecteurs MP3, où elle est archi-leader avec au moins 75% de part de marché, et les Smartphones où elle a fait en 18 mois une percée remarquable.

Par ailleurs, la société est sans doute aujourd’hui la première (ou au moins dans le top 3) des sociétés US pour la réserve de cash net disponible (cash – dettes). 30 milliards de dollars sont dans ses caisses et il n’y aucune dette ce qui est un sacré atout par les temps qui courent, où la problématique de restructuration de la dette est générale. Que dire de l’emblématique General Electric qui a plus de 500 milliards de dollars de dettes ...

D’un autre côté, le sweetspot d’Apple dans les ordinateurs reste une niche. Le marché des lecteurs MP3 est arrivé à maturité et est au mieux stable, et la concurrence dans les Smartphone va être terrible avec tous les géants de la place qui vont s’affronter : Google, Nokia, Microsoft, RIM, etc...

Et quand je vois les multiples actuels d’Apple, je me dis pas qu’on en est pas encore arrivé fondamentalement à une zone de "bonne affaire". Avec un P/E de 16 sur les estimations de bénéfice 2009 qui vont certainement être revues à la baisse (faisant alors monter le P/E a au moins 20) et un ratio EV/EBITDA de presque 8, ce n’est pas donné dans le marché actuel, loin de là.

JP Morgan a vendredi dernier downgradé Apple (de 102$ à 100$, la belle affaire !), faisant baisser le titre de 4% à 85$ environ, mais dans le contexte du marché actuel je le vois aujourd’hui allègrement descendre sous les 80 et même peut-être 70$, prix à partir duquel on achèterait alors de la "valeur" (car c’est une très belle société) à un "prix discount". En résumé, j’attends maintenant encore une baisse d’Apple d’au moins 15% avant de sauter dessus...

Michel de Guilhermier (son blog)


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