Le fonctionnement de l’aide apportée par le FMI est théoriquement assez simple : des prêts à long terme en échange de réformes économiques d’inspiration libérale : dévaluation de la monnaie nationale, en général trop chère, de façon à rétablir la balance commerciale ; ouverture des marchés de biens, pour favoriser les échanges internationaux ; privatisation de l’industrie, réformes fiscales, etc. Le versement des fonds s’effectue par tranches, en fonction des résultats obtenus par l’emprunteur (notion de « conditionnalité »). Il y a donc une interférence implicite du FMI dans la politique économique menée par le pays débiteur, ce qui explique que cette institution soit considérée comme un « dernier recours », lorsque les marchés financiers, qui ne pratiquent pas la conditionnalité, refusent de prêter. Compte-tenu de la perte de souveraineté que l’action du FMI entraîne, on comprend que les Etats développés rechignent à le solliciter : seul parmi les grands pays, la Grande Bretagne y a eu recours, dans les années 70. De petits Etats ont dû s’y soumettre, en l’absence d’autres choix : on mentionnera depuis la récente crise financière : l’Irlande, la Hongrie, l’Ukraine ou la Roumanie. Par contre, le FMI est très présent auprès des pays émergents, ainsi que nous l’avons indiqué précédemment.
En terme de gouvernance, les décisions du FMI (l’octroi d’un prêt et ses modalités) sont prises à la majorité. Chaque pays dispose d’un poids égal à son « quota » dans le capital social du FMI, lui même proportionnel à la puissance économique de chaque membre, contrairement à l’ONU où chaque pays membre bénéficie d’une voix. Les Etats-Unis, avec 16% des votes sont les seuls à disposer d’un droit de veto (au-dessus de 15%). Les pays de l’Union Européenne interviennent en ordre dispersé, chacun pour soi, ce qui est un handicap ; en plus, le poids de certains d’entre eux (France, Grande Bretagne) vient d’être abaissé : la France passera de 4,5% à 3,5% des droits de vote. Si l’Union Européenne obtenait un seul siège, elle bénéficierait de plus de 25% des votes, ce qui lui donnerait un grand pouvoir. Dommage.
Au niveau des moyens, le FMI vient de voir récemment ses capacités de financement tripler : 750 milliards de dollars, au lieu de 250 milliards (cela paraît énorme, mais c’est seulement 3% du commerce mondial !). Ceci étant, l’impact d’un crédit octroyé par le FMI est bien plus important que le simple montant affiché : en effet, il est un gage de confiance dans le pays emprunteur, qui va ensuite pouvoir emprunter plus facilement sur les marchés financiers.
On comprend donc que l’action du FMI soit indispensable aujourd’hui, non seulement en tant que simple prêteur, mais aussi parce qu’il est perçu comme un signal positif dans la procédure de rétablissement économique d’un Etat. Certes sa « potion » accompagnatrice peut parfois apparaître comme douloureuse pour le débiteur, mais au bout du compte sa situation financière s’améliorera : globalement le FMI a eu un rôle capital dans la sortie de la crise d’endettement qu’ont connue l’Amérique Latine dans les années 80 et l’Asie du Sud-Est en 1998-1999.
On peut donc s’en inspirer utilement, si on veut créer un Fonds Monétaire Européen, qui pourrait intervenir dans des conditions similaires, pour aider les pays de la zone euro en difficulté, telle la Grèce. En son absence, il ne restera plus qu’à faire appel à son modèle, le FMI, ce qui apparaît quand même comme une humiliation pour l’Europe dans son ensemble (imagine-t-on la Californie recourir au FMI ?).
Bernard MAROIS
Professeur Emérite HEC-PARIS
Président Club Finance HEC