La puissance économique de la Chine (deuxième nation au niveau mondial, en
terme du PIB) devrait favoriser l'émergence du yuan comme monnaie régionale (au
niveau de l'Asie) et ultérieurement comme monnaie internationale, en compétition
avec le dollar et l'euro.
Rappelons d'abord que la Chine détient des
réserves de change considérables évaluées à plus de 3 400 milliards de dollars
(1), ce qui lui permet de pouvoir adosser sa monnaie, à un matelas de réserve
substantiel et de renforcer le poids du yuan ( ou « renminbi », RMB) au niveau
mondial.
Un des facteurs de développement du rôle de la monnaie chinoise
réside dans l'émergence de la Chine, en tant qu'acteur essentiel du commerce
régional intra-asiatique. Celui-ci représente en effet plus de 50% du commerce
extérieur des pays de la zone ; ainsi la Chine est le premier client du Japon,
de la Corée du Sud, de Taïwan, de la Malaisie, de la Thaïlande et des
Philippines remplaçant les Etats-Unis qui étaient encore leur premier partenaire
commercial en 2000. Par ailleurs, la Chine a passé récemment un accord avec le
Japon pour l'utilisation systématique de leurs monnaies nationales dans les
échanges bilatéraux (décembre 2011).
Deuxième signal de l'importance du
RMB : la création d'un marché « offshore » du yuan à Hong-Kong et à Londres.
Ainsi, la banque HSBC a effectué une émission d'un milliard de yuans sur ce
marché, avec cotation subséquente.
De même les investissements directs étrangers en RMB ont représenté plus de 20% en 2012. Dans le même ordre d'idées, Air Liquide a été le premier groupe français à emprunter en yuans, pour financer le développement de ses activités en Chine (septembre 2011) (2). Les émissions obligataires réalisées à partir de Hong-Kong (donc en renminbi « offshore »(3) ) ont même reçu le surnom d'opérations « dim-sum », du nom d'une spécialité gastronomique cantonaise et se développent désormais rapidement.
Progressivement, de nouvelles initiatives favorisent l'internationalisation
du yuan : lancement de produits dérivés adossés au renminbi ; possibilité pour
les banques chinoises de détenir des positions en devises à court terme ;
détention d'obligations en yuans par des banques centrales étrangères ;
autorisation donnée aux importateurs chinois de produits japonais de payer leurs
achats en yuans, etc.
Notons également que la Banque Centrale de Chine a
passé des accords de swap avec plus de 20 autres banques centrales, dont le
Japon , la Corée du sud, l'Indonésie ou l'Argentine.
Il faut savoir que
le renminbi n'est plus indexé sur le dollar depuis juillet 2010 (une première
rupture était intervenue en juillet 2005, suivie d'une réintroduction d'un lien
fixe, mi-2008).
Depuis 2005, le yuan s'est apprécié d'environ 30% par rapport
au dollar.
Cependant, la convertibilité du yuan reste encore limitée,
dans la mesure où les résidents chinois ne peuvent pas acheter librement des
devises, de même que les non-résidents ne peuvent pas disposer de yuans d'une
façon totalement libre. Il est néanmoins probable qu'une convertibilité sans
limite du renminbi sera établie au plus tard d'ici 10 ans, lui donnant alors le
même statut que le dollar ou l'euro.
Parallèlement, le yuan pourrait rentrer dans la composition des Droits de
Tirage Spéciaux (DTS), monnaie (4) utilisée comme unité de compte par le FMI et
d'autres organismes internationaux, ce qui consacrerait le caractère
véritablement « universel » du renminbi.
Bernard MAROIS
Professeur
Emérite à HEC PARIS
Président d'honneur du Club Finance HEC
(1) Bien
avant le Japon, avec « seulement » 1 220 milliards de dollars de réserve.
(2)
De nombreuses autres émissions ont été réalisées, que ce soient des entreprises
comme Caterpillar ou Volkswagen, ou des institutions financières telles que la
Banque Mondiale (émission de 500 milliards de yuans en 2011).
(3) Par
opposition au renminbi « onshore » (Shangai ou Shenzen).
(4) Les composants
actuels du DTS sont : le dollar, l'euro, le yen et la livre sterling.
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