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Le précédent éditorial a souligné le fait que la France dégageait, depuis de
nombreuses années, une croissance inférieure à ses potentialités. Nous avons
évalué ce déficit de croissance à environ 1,5% par an.
Nous avons également identifié la principale cause de ce déficit dans la dérive
« socialisante » de l’économie française. Et dans ce domaine, le quinquennat de
Nicolas Sarkozy est bien dans le prolongement des exercices précédents.
Qu’on en juge, à travers les statistiques suivantes : entre 2007 et 2012, le
ratio des dépenses publiques par rapport au PIB sera passé de 52% à 56%, alors
que le montant des prélèvements aura progressé de 42% à 45%.
De ce point de vue, la divergence avec l’Allemagne s’accentue puisque la
fiscalité sur le patrimoine appliquée par la France ne fait qu’augmenter :
l’impôt sur les plus-values est passé de 27% à 34,5% et l’impôt sur les
dividendes de 27% à 36,5% ; dans le même temps, les prélèvements sociaux sur
l’épargne ont augmenté de 11% en 2007 à 15,5% au 1er octobre 2012.
Ainsi, alors que la fiscalité française sur les capitaux se rapproche de 40%
(niveau de la tranche supérieure de l’impôt sur les revenus du travail), la
fiscalité allemande ne dépasse pas les 25%. Parallèlement, on notera que le
chômage allemand se stabilise aux alentours de 6%-7%, alors que les chiffres
français sont alarmants (retour vers les 10% de chômage).
Enfin le commerce extérieur français continue à se détériorer, son déficit
s’étant accru de 40% lors de l’actuel quinquennat). La chute de la croissance
française coïncide donc avec une hausse du coût du travail (dû en partie aux
prélèvements) et un accroissement de la fiscalité sur les particuliers. Ce n’est
pas un hasard, ainsi que nous allons le démontrer.
En ce qui concerne les « inégalités », on pourra se référer aux chiffres de
l’INSEE, qui démontrent que si on exclut la classe des « très riches »
(footballeurs, chanteurs, dirigeants de grandes entreprises, etc.) dont les
revenus ont augmenté de 27% depuis 2007, les classes supérieures et moyennes
n’ont pas vu leur niveau de vie progresser, après prise en compte de l’impact
fiscal (en hausse constante).
De plus, si on se livre à une comparaison internationale, on constate que la
France est plus égalitaire que des pays comme les Etats-Unis ou la Chine. Ainsi,
« le coefficient de Gini » qui mesure l’écart des revenus entre les différentes
catégories sociales est de 0,33 pour la France, de 0,41 pour les Etats –Unis et
de 0,51 pour la Chine ; les taux moyens de croissance sont respectivement de :
1,5% pour la France ; 3% pour les Etats-Unis ; 9% pour la Chine. Notons que le
coefficient pour la Chine s’élevait à 0,25 au début des années 80, avant la mise
en place du « Capitalisme d’Etat » par Deng-Tsiao Ping.
Si on suit une approche historique, on constate que les pays communistes ont
connu, hors période de reconstruction, des croissances très faibles. L’URSS
s’est effondrée en grande partie pour cette raison (économie non compétitive et
inefficiente provoquée, pour une bonne part, par l’absence de concurrence
interne et de motivation à innover).
La Chine a fait appel au capitalisme pour relancer son système économique. Plus
près de nous, les pays scandinaves ont progressivement renoncé à leur «
Socialisme d’Etat » pour contrecarrer la stagnation de leurs économies. Enfin,
les pays les plus « socialistes » aujourd’hui, à savoir la Corée du Nord et
Cuba, connaissent une situation économique catastrophique. D’où cette
proposition très dérangeante : « les inégalités sociales favorisent la
croissance économique… et inversement ».
L’explication logique de cette observation, corroborée par les statistiques
économiques peut s’expliquer assez aisément : le développement d’un pays
bénéficie fortement de l’initiative privée, qui est en mesure de favoriser
l’innovation.
Or, nous entrons dans une période où, grâce aux techniques de communication et
d’information modernes (internet, en particulier), le progrès économique dépend
énormément de la diffusion des nouvelles techniques vers les autres secteurs
industriels ou de service. Le vecteur essentiel de cette diffusion est
l’entreprise (et souvent la micro-entreprise ou « start-up »).
Toute contrainte visant à limiter cet esprit d’entreprenariat aboutira à
ralentir le progrès technique, donc la croissance économique. Lorsque
l’environnement fiscal (axé sur une redistribution des richesses destinée à
combattre les inégalités) devient « répressif » , la croissance s’arrête.
Inversement, une société trop inégalitaire, tend à créer une démotivation face à
la création d’entreprise (absence « d’ascenseur social ») et à plomber la
consommation, entrainant une stagnation économique.
Donc, il est souhaitable d’éviter une trop grande progression des inégalités, de
façon à pallier une éventuelle explosion sociale, mais les faits présentés
ci-dessus montrent qu’il est indispensable de garder une incitation suffisamment
forte à l’enrichissement par le travail et la prise de risque, sinon notre
déclin actuel se transformera en débâcle (avec, en particulier, la fuite de nos
« cerveaux » vers l’étranger). Dans ce domaine aussi, la juste mesure entre
inégalités sociales et égalitarisme doit être recherchée en permanence.
Bernard MAROIS
Professeur Emérite à HEC PARIS
Président d’Honneur Club Finance HEC