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Si l’on en croit la théorie, une augmentation de capital est «
dilutive », dans la mesure où un nombre plus grand d’actions devra se
répartir les bénéfices inchangés, ce qui entraînera mécaniquement
une baisse du cours de l’action. Tout du moins, à court terme.
Car, à moyen terme et long terme, l’augmentation de capital peut, soit permettre
le développement de nouvelles activités (croissance interne), soit la poursuite
d’acquisitions (croissance externe). Dans les deux cas de figure, cette
croissance doit faciliter la mise en œuvre de synergies
(diminution des coûts ou augmentation des recettes). En conséquence, les
bénéfices vont croître et donc également le bénéfice net par action, qui va
retrouver au moins le niveau qu’il avait avant l’augmentation
de capital. Après avoir baissé, le cours de l’action va donc remonter
progressivement et dépasser le niveau « ante ».Sous réserves que les synergies
soient positives! Or, on sait que 60% des fusions et acquisitions sont des
échecs et que les stratégies de diminution des coûts se font souvent au
détriment de la croissance future.
De ce fait, si la baisse du cours au moment de l’augmentation de capital est
certaine, sa remontée ultérieure, pour cause de synergies, n’est jamais
garantie.
Or, que constate-t-on actuellement ? Une pléthore d’appels au marché, sous forme
d’augmentations de capital. Cela est particulièrement vrai, en ce qui concerne
le secteur bancaire : BBVA, Intesa, Unicredit, BNP Paribas et la Société
Générale viennent de se présenter sur le marché. Et les cours de ces banques
n’ont pas baissé. Pourquoi ?
Notons d’abord que ces apports de fonds doivent permettre de rembourser
rapidement les avances de l’Etat. Il faut savoir que la BNP, par exemple, a payé
226 millions d’euros au titre des intérêts (sur 7 mois), soit l’équivalent d’un
taux de 7.5% en termes annuels. D’une façon plus générale, en période de crise,
l’effet de levier créé par l’endettement est considéré comme très dangereux,
puisqu’il accroît considérablement le risque de défaut, donc de
faillite.
D’ailleurs, le coût du risque a fortement augmenté depuis un an, ainsi que
l’indiquent les « spreads » sur les CDS (Credit Defaut Swaps),
ce qui entraîne une hausse sensible des charges financières que l’entreprise
doit verser à ses créanciers. Lorsque l’on sait que beaucoup de prêts bancaires
sont indexés sur le niveau des CDS, on peut anticiper un effet net de «
procyclicité » : quand le coût du risque augmente, le coût du financement
bancaire s’accroît, ce qui entraîne une détérioration de la situation de
l’entreprise et donc une nouvelle hausse du coût du risque, etc.
En conséquence, une augmentation de capital va, entre autres, abaisser le niveau
de l’effet de levier et corollairement le coût du risque, ce qui va diminuer les
charges financières et en fin de compte, augmenter le bénéfice net. Voilà
pourquoi le cours de l’action va se maintenir, voire s’améliorer. Cela confirme
les travaux de Merton (*) publiés en 1973 : il met en évidence
une relation théorique entre la dette et les fonds propres d’une même
entreprise, qui permet aux arbitrageurs de couvrir une position en actions par
une position en créances (dettes bancaires ou « bonds »). Autrement dit, les
capitaux propres sont une option sur la propriété de l’entreprise exerçable en
fonction de l’évolution de l’endettement et du risque de défaut (en cas de
faillite, les créanciers sont servis en premier et l’option de fonds propres
vaut zéro).
Une illustration de notre démonstration : le 29 janvier 2009, Xstrata annonça
une augmentation de capital de 4.1 milliards de livres sterling ; le jour
suivant, son cours progressa de 3.6 %, alors que les marchés étaient baissiers.
En parallèle, son « spread » de risque diminua rapidement de plus de 50 points
de base !
Pour conclure, on peut affirmer que l’impact d’une augmentation de capital va
être très sensible à l’environnement macroéconomique : en période de crise
financière aiguë, la priorité est donnée par tous au désendettement,
y compris par les investisseurs.
Bernard Marois
Professeur Emérite HEC Paris
Président du Club Finance HEC
* Merton R., « Theory of rational option pricing » Bell Journal, été 1973,
vol.4, n°1, pages 141 à 183.