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Au sens large, « les euro-bonds » sont des
obligations libellées en euros et émises soit par des Etats ou par des
entreprises, banques comprises.
Ce marché apparu en janvier 1999, à la naissance de l’euro, agrégeait les
marchés extérieurs du franc, du mark, de la lire, etc. A tel point que, bon an
mal an, le marché des « euro-bonds » a dépassé le tiers des émissions
obligataires mondiales, concurrençant de ce fait le marché des obligations en
dollars.
En terme de « stocks », les euro-bonds représentent plus de 30% du marché
mondial, juste derrière le marché des obligations en dollars. Concrètement,
l’accès aux « euro-bonds » n’est pas limité aux entités de la zone euro (quelles
soient des Etats ou des entreprises), mais le marché est également ouvert aux
Européens non membres de la zone euro (les Britanniques, les Suédois ou les
Polonais, par exemple) ou même à des non-Européens, à condition que les
émetteurs trouvent des investisseurs intéressés. D’où l’importance des agences
de notation qui évaluent la solvabilité future des emprunteurs.
Au sens strict, (celui auquel fait généralement allusion la
presse économique), les « euro-bonds » sont des obligations émises par des
institutions officielles de la zone euro ou, par extension, de l’Union
Européenne. Ainsi, la BEI, (Banque Européenne d’Investissement) émet chaque
année des milliards d’obligations libellées en euros, qui sont destinées à
financer des investissements généralement transnationaux (infrastructures,
énergies alternatives, etc.).
De même, le nouvel FESB (Fonds Européen de Stabilité Financière), garanti par
les Etats, a émis fin janvier 2011 les premières obligations en euros destinées
à faciliter l’aide aux pays en difficulté. Il devrait lever 16,5 milliards
d’euros cette année. En parallèle, le MESF (Mécanisme Européen
de la Stabilisation Financière) destiné à soutenir l’Irlande et géré par
Bruxelles, a émis 5 milliards d’ « euro-bonds », le 6 janvier, largement
sursouscrits (20 milliards de demandes de la part des investisseurs) ; 70%
environ ont été achetés par des Européens et 20% par des Asiatiques, alors qu’en
termes d’acteurs, 40% sont des Banques Centrales et 25% des gestionnaires
d’actifs. Le MESF prévoit encore de lever près de 13 milliards d’euros cette
année, d’une maturité de 5 et 10 ans.
Pour l’avenir, et, si on considère uniquement les émissions d’« euro-bonds » par
des entités étatiques ou para-étatiques, on peut distinguer plusieurs démarches
parallèles et complémentaires :
1) Les émissions des Etats individuels. Ainsi, la France
devrait emprunter plus de 380 milliards en 2011.
2) Les emprunts lancés par les institutions européennes
existantes : BEI, FESB et MESF. Dans ce cas de figure, il s’agit vraiment
d’émissions « communautaires », contrôlées soit par la Commission soit par le
Conseil Européen des Ministres des Finances (ECOFI). On peut aussi songer à
créer une « Agence Européenne de la Dette », qui reprendrait
une partie des attributions des Agences nationales, telle l’Agence France
Trésor.
3) La mise en place d’« euro-project bonds », destinés
uniquement à financer des projets d’infrastructures, en complément des
financements BEI.
En plus de ces dispositifs relatifs au marché primaire, il existe de
possibilités d’intervention sur le marché secondaire. Ainsi,
dans certaines conditions et à la suite de la crise, la BCE (Banque Centrale
Européenne) peut acheter de la dette souveraine des pays de la zone euro. De
même, on envisage que le FESB puisse racheter de la dette d’un Etat ayant
bénéficié d’une aide communautaire.
Pour conclure, on peut souligner que nous sommes en matière de gouvernance
européenne, dans une période de transition, provoquée en grande partie par les
crises de la dette souveraine. En conséquence, il faudra que rapidement les
Etats de la zone euro se mettent d’accord sur les point suivants :
- Distinguer les besoins de financement relatifs à des projets industriels de
ceux liés à des crises de dette souveraine ; les modes de traitement ne seront
pas les mêmes selon les objectifs suivis.
- Anticiper les besoins agrégés des Etats, en matière de financements «
communautaires » selon les pays et les situations, de façon à pouvoir regrouper
toutes les émissions sous un seul nom (par exemple, une Agence Européenne de la
Dette, comme il a été évoquée précédemment), sachant que les Etats les plus
solides souhaiteront probablement garder leur autonomie et donc leur agence
d’émission nationale.
- Clarifier la gouvernance et, en particulier, le rôle des politiques (Chefs
d’Etat, Ministres des Finances) face aux institutionnels (Commission de
Bruxelles, BCE), de façon à ce que des procédures standards soient établies et
susceptibles d’être appliquées immédiatement en temps de crise.
On voit donc que le futur des « euro-bonds » apparaît prometteur, si les
autorités compétentes poursuivent leur œuvre de construction communautaire. En
tout état de cause, le dispositif européen créé sera différent de l’équivalent
américain (FED/Secrétariat au Trésor), dans la mesure où l’édifice complexe
qu’est l’Union Européen n’est pas un Etat Fédéral unitaire. Nous allons donc
élaborer un système original. Les « euro-bonds » en seront d’une certaine façon
le symbole.
Bernard MAROIS
Professeur Emérite HEC Paris
Président d’Honneur du Club Finance HEC