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La dégradation récente de la note attribuée à la Grèce et la mise sous
surveillance négative de l’Espagne et du Portugal par les agences de notation,
ainsi que les discussions autour du « Grand Emprunt » (cf. mon éditorial du 12
novembre 2009) ont mis en lumière la problématique de l’endettement des Etats.
Rappelons d’abord les faits en ce qui concerne la Grèce. Le 8 décembre, l’agence
Fitch abaissait la note à long terme de la Grèce de A- à BBB+ avec une
perspective négative. Sa décision était motivée par l’augmentation de
l’endettement public qui dépassera 130 % du PIB d’ici 2 ans, propulsée à la
hausse par une détérioration accélérée des finances publiques : le déficit
passant de 7,8% en 2008 à 12,7% en 2009, avec une prévision de 12, 2% pour 2010.
A travers ces chiffres, on a une illustration claire de « l’effet boule de neige
» de la dette. Les implications de la croissance de celle-ci sur le déficit
budgétaire sont évidentes : la hausse des charges financières (intérêts et
remboursement du principal) provoque un accroissement du déficit public, qui lui
même entraîne une augmentation de la dette, etc. Rien que pour cette année, le
versement sur la dette grecque va représenter 5% du PIB national !
Dans le même ordre d’idées, la dégradation de la note de la Grèce a des effets «
procycliques ». En effet, le coût des emprunts souverains va augmenter, suite à
l’abaissement de la note (actuellement 5, 01% contre 3,21% pour l’Allemagne), ce
qui va augmenter le déficit budgétaire donc l’endettement futur, avec à la clef
une nouvelle dégradation de la note grecque, etc.
Cette triste situation n’est pas l‘ exception en Europe, car 7 pays de l’Union
Européenne ont subi des révisions de notation en 2009, à savoir : la Grèce, bien
sûr, mais aussi l’Irlande (baisse de 2 « notches » de AA+ à AA-), la Lettonie,
l’Estonie, la Hongrie, le Portugal et l’Espagne (avec un « notch » d’abaissement
pour chacun).
Quant aux autres pays, ils ne sont pas à l’abri de pareilles déconvenues, que ce
soient la Grande- Bretagne, l’Italie ou même les Etats- Unis. En ce qui concerne
la France, elle est aussi sous surveillance, dans la perspective du lancement du
Grand Emprunt, qui va aggraver notre endettement, déjà supérieur à 75%. Déjà, la
meilleure note (AAA) est limitée à 14 pays souverains (dont le Luxembourg et le
Liechtenstein). La France est encore dans cette catégorie mais pour combien de
temps ? Le 7 décembre, un emprunt à 10 ans subissait un taux d’intérêt de 3,44%,
contre 3,21% pour l’Allemagne, référence habituelle pour les emprunts souverains
de la zone euro.
Parmi les critères de notation des agences et donc de l’ampleur des taux
d’intérêt pratiques sur la dette publique, il y a deux éléments essentiels :
l’évolution future du taux d’endettement, en pourcentage du PIB, et les « actifs
» susceptibles de garantir les emprunts. Par exemple, le Japon a un taux très
élevé (190%), mais les avoirs financiers des ménages nippons représentent
environ 290 % du PIB ! Dans l’histoire, la France a connu des situations plus
difficiles : le taux d’endettement a dépassé 150%, sous Louis XIV et 200%, à la
fin des années 40. Cependant n’oublions pas que ce ratio ne s’élevait qu’à 30%,
sous Giscard et que notre endettement n’a fait que croître depuis la fin des
années 80, en parallèle avec un budget en déficit constant depuis 1979.
Et c’est là notre problème. Sans rétablissement d’un budget excédentaire, il est
impossible de stopper la hausse de l’endettement. Or le déficit budgétaire sera
encore supérieur à 3% en 2014, selon les prévisions du Ministère des Finances !
Sans réel effort sur les dépenses publiques (Etat, Collectivités territoriales
et prestations sociales), la tâche s’avère impossible.
Dans ces conditions, il faut s’attendre à une dégradation de la note de la
France, dans les prochaines années.
Bernard MAROIS
Professeur Emérite HEC
Président du Club Finance HEC