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Avec 1,2 milliard d’habitants, soit 1/6 de l’humanité, sur 2,5% de la
superficie du globe (3,3 millions de km2 environ, c’est à dire 6 fois la
France), l’Inde est le deuxième Etat le plus peuplé derrière la Chine, avec une
densité de 330 h/km2 (106, pour la France). Cependant, on prévoit que dans 10 ou
15 ans compte-tenu des évolutions démographiques divergentes (politique de
l’enfant unique en Chine), c’est cette dernière qui sera le pays le plus peuplé
de la terre.
En terme de PIB, la Chine représente près de 4 fois l’Inde ; le poids de la
première dans la production manufacturière mondiale s’est élevé à 18,9% en 2009
(contre 7,5% en 1999), alors que l’Inde est passé seulement de 1,1 % à 2% en 10
ans. La production chinoise génère 10,90 dollars par heure travaillée alors que
la production indienne n’atteint que 0,8 dollar (les Etats Unis dégagent eux,
51,20 dollars par heure travaillée). Actuellement, l’Inde est la dixième
puissance économique mondiale mais seulement la 140ème (sur 208) pour le revenu
par habitant. On voit donc que le rattrapage indien ne fait que commencer et que
ce pays se situe au niveau de la Chine d’il y a 30 ans.
Quels sont les atouts de l’Inde ? D’abord une croissance forte depuis de
nombreuses années, à un rythme annuel de 7% (et même 8,6% au premier trimestre
2010). Ensuite, des compétences fortes dans un certain nombre d’industries
(l’informatique, mais aussi la pharmacie ou l’automobile)(1) ; l’usage assez
répandu de la langue anglaise ; un régime démocratique, à structure fédérale
forte et un vivier de cadres de bon niveau, compte tenu d’un système éducatif en
nette amélioration, sans compter le développement récent d’un marché financier
actif (on a enregistré des levées de fonds supérieures à 25 milliards
d’équivalents euros sur la bourse indienne en 2010), ce qui va favoriser une
nouvelle vague de privatisation partielle (Cool India, Hindustan Copper, Indian
Oil Corporation, etc.).
Il existe, par contre, de nombreux obstacles. Mentionnons, par exemple, la
corruption qui touche à tous les secteurs et, en particulier, au système
politique, une bureaucratie tatillonne qui freine l’essor industriel ; une
mortalité infantile encore élevée et une malnutrition généralisée, due à
l’extrême pauvreté des trois-quarts de la population. Bien que les famines aient
dans l’ensemble disparu, l’agriculture qui occupe encore 65% de la population
active(2) (contre 27% dans l’industrie) reste peu productive (0,7% de la
croissance au premier trimestre 2010). Par ailleurs, 48% de la population est
analphabète (35% pour les hommes ; 61% pour les femmes), bien que le taux
d’alphabétisation progresse rapidement.
Enfin, le contexte culturel et religieux est peu porteur : l’existence des «
castes » demeure forte dans les campagnes, les conflits potentiels entre Hindous
(83% de la population) et musulmans (11%, ce qui en fait le deuxième Etat
musulman du monde, après l’Indonésie) peuvent provoquer des embrasements
incontrôlables, d’autant plus que l’Inde est en état de guerre larvée avec son
voisin pakistanais musulman (le Cachemire reste une pomme de discorde
permanente). Pour terminer, notons que l’hygiène et la pollution sont également
des contraintes sévères (saleté des villes, présence des vaches « sacrées »,
inégalités devant les soins, bidonvilles envahissants, etc.).
Pourtant, le « goulot d’étranglement » le plus rédhibitoire réside dans
l’absence totale d’infrastructures modernes : pas d’autoroutes, pas de TGV, peu
d’adductions d’eau et de tout à l’égout. Aussi, le gouvernement indien a prévu
de construire 50 000 km de routes, dans les 4 prochaines années, ce qui
correspond à un investissement de 500 milliards de dollars. Il devra donc faire
appel au secteur privé qui assurera 35% de ce coût (contre seulement 5% en
2003).
En effet, les finances publiques indiennes sont obérées par une dette dépassant
80% du PIB et un déficit public supérieur à 10%. L’autre nécessité est de
développer les ressources énergétiques : l’Inde doit construire des centrales
représentant 160 000 MW d’ici 2017, ce qui implique des investissements
supérieurs à 400 milliards de dollars.
On voit donc que le défi qui attend l’Inde est énorme. D’un point de vue
pratique, les besoins de ce pays peuvent être également analysés en terme
d’opportunités pour les entreprises françaises, à l’exemple d’Essilor qui a
suivi une démarche proactive pour servir les clients locaux dans les zones
rurales.
Souhaitons que cette société soit imitée par bien d’autres entreprises
hexagonales.
Bernard MAROIS
Professeur Emérite HEC PARIS
Président d’Honneur Club Finance HEC
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(1) Certaines entreprises indiennes sont mondialement connues, telles Mittal,
Tata ( la « Nano ») ou Reliance.
(2) Il est prévu que 250 millions d’Indiens vont quitter la campagne dans les 20
prochaines années !