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Nous avons reçu récemment les dernières statistiques pour 2009. L’endettement
de la France s’élève à 1490 milliards d’euros (collectivités territoriales et
protection sociale incluses, mais sans prendre en compte le déficit annoncé des
retraites futures), ce qui correspond à 78% du PIB. Le déficit budgétaire s’est
élevé à 7, 5% du PIB : ce chiffre est assez proche de celui enregistré par les
grands pays industriels, sauf l’Allemagne, mais reste inquiétant compte-tenu de
la « rigidité » des dépenses publiques françaises : celles-ci atteignent 55% du
PIB, record du monde (nous dépensons même plus, en pourcentage, que la Suède !).
En prenant en compte les évolutions probables de ce déficit budgétaire dans les
années à venir, cela signifie que nous dépasserons probablement le seuil de 100%
d’endettement en 2015. Il n’est pas certain que nous puissions alors conserver
la notation AAA pour notre dette.
Qu’est ce qui a échoué dans notre politique économique ? Pour comprendre notre
situation actuelle, il faut se reporter à 2007 et l’élection présidentielle. Elu
confortablement avec plus de 53% des voix, Nicolas Sarkozy bénéficiait à ce
moment là d’une légitimité (on appelle cela « l’état de grâce »), qui lui avait
permis de réaliser les 4 réformes indispensables à la réussite de sa politique
économique.
La première, l’abrogation de la « loi des 35 heures » et des «
usines de gaz » créées pour la contourner. La France est déjà le pays où le
nombre d’heures travaillées est le plus bas, avec les conséquences que l’on
connait sur le coût du travail : entre 1996 et 2009, les coûts salariaux n’ont
augmenté que de 5 % en Allemagne, alors qu’en France, ils ont augmenté de 35%.
Résultat, c’est désormais notre pays qui est le plus cher en Europe. Deuxième
réforme oubliée, la suppression de l’ISF et son remplacement
par une tranche supplémentaire d’IRPP (impôt sur le revenu). On sait depuis
toujours que l’ISF est inefficace (les grandes fortunes sont installées à
l’étranger), improductif (il coûte plus cher qu’il ne rapporte, compte-tenu de
la loi TEPA) et inquisitorial (le citoyen doit faire état de tout son patrimoine
jusque dans ses plus petits détails) ; d’ailleurs tous les pays l’ont supprimé
(y compris l’Espagne, pourtant dirigée par le socialiste Zapatero !). Troisième
erreur : l’absence de réforme territoriale , dans la foulée des
élections législatives. Nous savons depuis longtemps que notre « mille feuilles
» administratif est source de dépenses excessives (le recrutement annuel de
fonctionnaires territoriaux compense pratiquement la diminution des
fonctionnaires de l’Etat, ce qui se traduit immanquablement dans la hausse des
dépenses publiques). Certes, cette réforme a été enclenchée récemment, mais on
est loin du compte, car l’état de grâce est depuis longtemps évaporé.
Dernière réforme : les retraites. Là encore, tout le monde
connaît les chiffres : la France est le pays où les seniors travaillent le moins
; malgré une démographie plus favorable que nos voisins, le pourcentage prévu
d’actifs par rapport aux retraités, n’est pas meilleur. En outre, faute d’avoir
accepté le principe des « fonds de pension », il n’existe que la répartition
pour financer les retraites et ce n’est pas le FFR qui gère 30 milliards d’euros
(au lieu des 200 milliards prévus) qui pourra combler le déficit.
N’ayant pas eu le courage politique de réformer au bon moment, que peut faire
notre gouvernement, qui de plus est confronté à une sorte de crise difficile ?
En fait, pas grand-chose. Pour stabiliser l’endettement (coût de la charge de
l’emprunt : 2,7% du PIB par an), il faudrait une croissance économique
au moins équivalente. Impensable, compte-tenu des divers freins évoqués
précédemment. Rappelons d’abord que nous subissons les conséquences d’un déficit
commercial permanent, car structurel (nos produits ne sont plus compétitifs),
qui soustrait 0,5% à notre PIB chaque année. De plus, la consommation risque
d’être anémique, car le pouvoir d’achat stagne (avec un chômage de 10% environ,
il est illusoire d’envisager des hausses de salaires qui, de toutes façons,
contribueraient à affaiblir encore plus notre compétitivité), sans compter les
perspectives de nouveaux impôts.
Nos espoirs sont relativement limités : une baisse de l’euro
qui se poursuit (mais qui augmentera le coût de nos importations), une
inflation au niveau mondial, qui dévaloriserait nos dettes (pour
l’instant, on craint plutôt la déflation !), un moratoire sur
les emprunts comme l’ont obtenu, en son temps, les pays en voie de développement
ou, dernière piste, enfin le courage de faire les réformes incontournables, dans
un environnement économique et social beaucoup moins porteur qu’en 2007 !
Quelle que soit l’analyse que l’on porte, la problématique de l’endettement de
la « France » sera le thème principal des dix prochaines années.
Bernard MAROIS
Professeur Emérite HEC Paris
Président Club Finance HEC