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Comme on pouvait s’y attendre, la dernière réunion des Ministres des
Finances du G20 à Séoul, le 24 octobre, n’a pas résolu la crise monétaire
actuelle.
Rappelons d’abord les faits : depuis le mois de juin, l’euro s’est apprécié de
12,7% par rapport au dollar et de 10% par rapport au yuan ; celui-ci s’est donc
légèrement réévalué par rapport au dollar (entre 2% et 3%). Dans le même temps,
le déficit de l’Europe s’est creusé logiquement : 7,5 milliards de déficit
courant en août contre 4,5 milliards en avril ; en cumulé sur un an, ce déficit
atteint 49 milliards de déficit ( approximativement 0,5 % du PIB de la zone). En
2009, le déficit de l’Union Européenne avec la seule Chine, a dépassé 185
milliards de dollars, alors que le déficit des Etats-Unis envers ce même pays
dépasse 275 milliards de dollars ; le déficit global des USA envers l’Asie
(Chine, Japon, Corée) est équivalent à 2% du PIB !
On voit donc à travers ces chiffres, la position très difficile occupée par
l’euro, qui sert de « variation d’ajustement », aussi bien pour les Etats-Unis
que pour la Chine.
Aujourd’hui, un euro vaut 1,40 dollar environ soit une surévaluation de 20% par
rapport à l’équilibre, telle qu’elle résulte de la théorie « de la parité des
pouvoirs d’achat » (qui estime le taux d’équilibre à 1,15 -1,20 dollar pour un
euro). Dans la mesure où la plupart des monnaies émergentes (y compris le yuan)
sont rattachées au dollar, on comprend que la force de l’euro soit préjudiciable
à nos exportations. Peut-on espérer une amélioration de la situation ?
En ce qui concerne le dollar, c’est peu probable. Au contraire. Dans la mesure
où la consommation domestique, principal moteur de l’expansion américaine (plus
du 60% du PIB) a beaucoup de mal à redémarrer, malgré les efforts de création
monétaire initiés par la Fed, à travers sa politique de « quantitative easing »,
les Etats-Unis se doivent de favoriser l’essor de leurs exportations, ce qui
implique un dollar bon marché. Peu de changements sont à anticiper dans ce
registre, puisque les consommateurs américains, fortement endettés et préoccupés
par un taux de chômage supérieur à 9%, ont comme principale préoccupation le
souci de leur avenir (et de leurs retraites) et vont donc continuer à épargner
(le taux d’épargne s’améliore lentement aux USA). D’où la relative faiblesse de
la croissance américaine (moins de 3% avec un recul de 0,2 % de la production
industrielle au mois de septembre) et le marasme durable de l’immobilier (les
nouveaux permis de construire ont baissé de 6% le mois dernier).
En ce qui concerne la Chine, la situation est plus mitigée. Les autorités
locales redoutent une flambée inflationniste (le taux d’inflation dépasse
désormais 4%). Pour freiner la création monétaire, la Banque Centrale vient de
relever ses taux d’intérêt, ce qui devrait faciliter l’appréciation du yuan. Les
mois qui viennent ne devraient pas voir apparaître un changement de conjoncture.
En effet, la croissance chinoise (plus de 9%) favorise l’achat de matières
premières, ce qui entraîne les prix des « commodities » à la hausse et se
répercute sur les prix des biens d’équipement vendus par la Chine, ainsi que sur
les biens de consommation. On peut donc anticiper une poursuite de
l’appréciation du yuan par rapport au dollar. Cependant, cette hausse devrait
demeurer modeste, car 40% des exportations du pays sont réalisées par des
entreprises à capitaux étrangers et 20% par des sociétés à capitaux mixtes (cf.
l’éditorial de la semaine dernière rédigé par Didier Pène), qui seraient
pénalisées par une trop forte appréciation du yuan. En outre, les ventes des
pays européens ou des Etats-Unis vers la Chine, ont augmenté de plus de 35% au
cours des 12 derniers mois, ce qui montre que la hausse du yuan ne changerait
pas les choses d’une façon substantielle.
En conclusion, il faut souligner que pour nous, Européens, le problème n’est pas
tant le yuan que le dollar. A 1,40 dollar, l’euro est trop cher. Nos Airbus ne
peuvent être vendus qu’à perte. Notre déficit vis-à-vis des pays « dollar » va
continuer à croître. Si la force de l’euro devient structurelle, ce que je
crains, nos difficultés ne feront que s’accroître. On en vient à espérer une
nouvelle crise « grecque », « irlandaise » ou « portugaise ». Un comble !
Bernard MAROIS
Professeur Emérite HEC Paris
Président du Club Finance HEC