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Si l’on considère les chiffres de croissance du commerce international : 13,5
% en 2010, après une chute de 12,2% en 2009, on a tout lieu d’être satisfait. En
outre, le commerce intra-asiatique a progressé de plus de 13%, en termes
annuels, depuis 2000 et désormais presque 50% des échanges de cette zone se
dirigent vers d’autres pays de l’Asie.
Par ailleurs, 15% des mesures commerciales restrictives introduites depuis le
début de la crise ont déjà été abrogées. Par conséquent, l’OMC (Organisme
Mondial du Commerce), dirigé par Pascal Lamy, a tout lieu de se réjouir de cette
évolution.
Pourtant le panorama n’est pas aussi brillant qu’on veut bien le dire. En fait,
le protectionnisme s’est déplacé, du terrain commercial vers le domaine
financier. Tout d’abord nous sommes rentrés véritablement dans une guerre des
monnaies entre le dollar, l’euro et le yuan.
Une dépréciation monétaire permet en effet de bénéficier d’un avantage
compétitif dans la conquête des marchés. La sous-évaluation du renminbi chinois
(il n’a progressé que de 3,5 % par rapport au dollar en 2010) favorise les
exportations de « l’Empire du Milieu », tandis que les Américains s’efforcent de
maintenir le dollar bas, en gardant des taux d’intérêt faibles et en recourant à
la planche à billets (« quantitative easing »).
De même, l’euro a repris sa marche vers les 1,50 dollars, après une baisse,
bienvenue, mais seulement momentanée, provoquée par les crises de la dette, de
la Grèce, de l’Irlande et du Portugal ; en effet, lorsque l’euro monte de 10
centimes, une entreprise comme EADS perd 1 milliard (perte de « compétitivité
»). En conséquence, la volatilité des devises ne fait que s’accroître et les
tentatives de manipulation des cours de change ont encore de beaux jours devant
elles.
L’autre forme de protectionnisme financier est encore plus insidieux et concerne
les mouvements de capitaux transfrontaliers. Ainsi, depuis plusieurs mois, de
nombreux pays ont introduit de nouvelles réglementations sur les entrées de
capitaux ; on peut citer : l’Indonésie, la Thaïlande, le Brésil et la Corée du
Sud. Qui plus est, des mesures sont prises concernant les rachats d’entreprises
locales par des intérêts étrangers.
Ainsi les Néerlandais se sont opposés à la prise de contrôle de Draka par le
Chinois Xih-mao. D’ailleurs, l’Europe envisage, à l’instar des Etats-Unis, de se
doter d’une agence de « surveillance des investissements étrangers ». Même à
l’intérieur de l’Union Européenne, certains pays, tel la Hongrie édictent des
lois restrictives sur les nouveaux investissements étrangers, ce qui inquiète
Bruxelles. On pense aussi au désir des Italiens de préserver « l’italianité » de
leurs entreprises (cf. l’affaire Parmalat).
En France même, la création du FSI (Fonds Stratégique d’Investissement) et la
détermination de 11 secteurs industriels considérés comme « sensibles »
indiquent la volonté gouvernementale de rester vigilant, à un moment où les pays
émergents se font plus entreprenants (cf. l’ouverture à Paris d’une filiale de
la première banque du monde, en termes de capitalisation, l’ICBC (Industrial and
Commercial Bank of China)).
Si ces initiatives devaient se multiplier, nous entrerions dans une nouvelle
phase de protectionnisme ce qui serait tout à fait dommageable, ainsi que l’a
montré l’expérience historique de 1929. A condition que les règles communes
soient claires et respectées, le libre-échange demeure un système « globalement
positif ». A l’OMC de jouer son rôle d’arbitre.