La décorrélation et la volatilité retrouvées des parités de change permettent
aux devises de retrouver le rôle de diversification qu’elles ont longtemps joué
à l’égard des autres classes d’actifs. Les gagnantes en 2013 ? Le dollar et les
devises scandinaves.
Il y avait longtemps que les devises n’avaient eu
autant d’attrait, pour les gérants et les allocataires. Jusqu’à récemment
perçues comme une contrainte, comme un simple risque à couvrir, celles-ci
retrouvent peu à peu leur place dans les portefeuilles. Au cœur de ce renouveau,
deux tendances complémentaires se côtoient et s’auto-alimentent. Après une année
2012 sans guère de relief ni aspérité, le marché des changes a tout d’abord
retrouvé des niveaux de volatilité plus proches de leurs tendances longues. En
l’espace de quelques semaines, l’euro a ainsi reculé de 7 centimes face au
dollar, reperdant ainsi l’équivalent de ce qu’il l’avait gagné un mois plus tôt.
Face à la livre Sterling et au yen, le mouvement a été tout aussi vif, mais dans
un sens inverse.
Autre mouvement constaté sur le marché de changes : la
décorrélation. Jusqu’ici, l’attrait de l’euro était fortement conditionné par
l’évolution des craintes sur un éclatement de la zone. Il découlait donc
étroitement du degré d’aversion au risque des investisseurs à l’égard des actifs
européens. D’où une forte dépendance de la parité euro/dollar à l’égard des
spreads souverains, mais aussi des marchés d’actions européens.
Pourquoi
ce changement de régime soudain, sur le marché des changes ? Si les dernières
élections italiennes ont relancé les inquiétudes quant à un ralentissement de
l’assainissement des comptes publics du pays, l’annonce du plan de rachat de
dettes potentiellement illimité de la BCE au mois de septembre a durablement
apaisé la crainte systémique d’une implosion de l’euro.
Parallèlement, la banque centrale américaine commence à tester le marché sur
l’hypothèse d’une sortie progressive de sa politique ultra-expansionniste. Le
principal risque sur lequel les investisseurs bâtissent leur worst case scenario
a donc changé de nature. D’un éclatement de la zone euro, le risque principal
est passé à celui d’une hausse des taux longs moins maîtrisée qu’escompté.
Entre les déclarations apaisantes de Mario Draghi il y a quelques mois et la
tonalité récemment plus restrictive des dernières minutes de la Fed, l’inversion
des postures propres aux différentes banques centrales à travers le monde a
renforcé la discrimination entre les différentes classes d’actifs, permettant
aux devises de fluctuer au gré de leurs propres dynamiques internes.
D’une situation binaire, abusivement segmentée entre les actifs réputés non risqués et la masse indistincte des autres, les mouvements de marché sont devenus plus autonomes et plus désordonnés, au gré des actualités macroéconomiques, politiques et institutionnelles.
Ce nouveau régime n’est pas neutre pour les gérants. La décorrélation et la
volatilité retrouvées des parités de change permettent en effet aux devises de
retrouver le rôle de diversification qu’elles ont longtemps joué à l’égard des
autres classes d’actifs. Cette configuration nouvelle du marché des changes
offre donc aux gérants les moyens de diversifier efficacement les portefeuilles
et donc, de réduire le risque intrinsèque de ces derniers. Mieux, elle rend aux
devises leur galon de classe d’actifs, dont la gestion active redevient un
moteur de performance à part entière.
Mais sur quelles devises se
positionner, dans ces conditions ? Valeur refuge par excellence, le Franc Suisse
pâtit indirectement de l’apaisement sur le front de la crise de la dette
européenne et de la volonté affichée de la banque centrale de défendre coûte que
coûte la parité de 1,2 face à l’euro. La Livre Sterling souffre quant à elle de
la vigilance renouvelée des agences de notation à l’égard de la dette
britannique et des inquiétudes sur une sortie partielle du pays de l’Union
Européenne. Enfin, toute perspective de revalorisation du Yen est contrainte par
la politique monétaire encore largement expansionniste de la Banque du Japon.
Restent deux grands types de devises à privilégier. Le dollar profite d’une
évolution en sa faveur du différentiel de taux courts vis-à-vis de l’euro et de
fondamentaux macroéconomiques moins ternes. Il retrouve donc peu à peu le rôle
protecteur qu’il a historiquement tenu à de nombreuses reprises dans des
contextes économiques tendus. Autre pari : les devises scandinaves, qui
profitent également d’une meilleure trajectoire de croissance et de la
préservation de leurs grands équilibres macroéconomiques.
Michaël LEVY,
Associé - Gérant de FLEX 360- Responsable de la multigestion chez 360 AM
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