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Il est d’usage à l’orée d’une nouvelle année, de se livrer au jeu des
prévisions. Mais comme le disait le regretté Edgar Faure, « prévoir est un
exercice difficile, surtout lorsque cela concerne le futur », aussi, je me
contenterai de dresser quelques contours « probables » pour 2011.
Tout d’abord, dans le domaine géopolitique, les éventuels problèmes devraient
surgir du coté de deux troublions habituels : la Corée du Nord, puissance
nucléaire et l’Iran, sur le chemin de la bombe. Le premier cas est le moins
grave pour nous, car la Corée est loin et on peut espérer que la Chine veillera
à ce que l’animosité forte entre les deux Corées ne dépasse pas les bornes
acceptables. En ce qui concerne l’Iran, la situation est plus problématique. A
court terme, on peut craindre des frappes préventives, de la part d’Israël,
voire des Etats-Unis. A moyen terme, on peut anticiper un risque de conflit
supplémentaire avec son voisin le Pakistan, dans le cadre d’une opposition «
chiisme » (dont l’Iran est le flambeau) centre « sunnisme » (Pakistan, mais
aussi Arabie Saoudite). En plus de ces risques majeurs, on peut craindre la
persistance en 2011 de la lutte entre l’Occident et le fondalisme islamique sur
les fronts habituels : Afghanistan, Irak, Pakistan, sans oublier l’éventualité
d’attentats en Europe ou aux Etats-Unis. En dehors de ces sujets d’inquiétude
permanents, on peut également anticiper quelques conflits localisés et donc
relativement circonscrits, tel que la Côte d’Ivoire ou d’autres pays connaissant
des élections difficiles.
Au niveau macroéconomique, l’année 2011, va vraisemblablement tester l’hypothèse
du « découplage » entre les pays émergents et les pays développés. Les premiers
vont continuer à connaître une croissance forte, favorisée par l’existence d’un
endettement publique faible et une certaine sous-évaluation de leurs monnaies.
En plus des « BRIC » (Brésil, Russie, Inde, Chine), on comptera également sur
les « VICATA » (Vietnam, Indonésie, Colombie, Argentine, Turquie et Afrique du
Sud). Par contre, les pays développés souffriront, coincés entre le risque de
déflation provoqué par le désendettement (Grèce, Irlande, Grande-Bretagne,
Espagne, Portugal, voire Italie et Japon) et le risque d’inflation attisé par la
création monétaire (Etats-Unis, particulièrement, où la FED a vu son bilan
passer de 800 milliards à 3.000 milliards de dollars en 2 ans !), la France ou
l’Allemagne se situant entre ces deux extrêmes.
En ce qui concerne la zone euro, les différentes branches de l’alternative
(cf.mon précédent éditorial) pourraient s’énoncer ainsi :
- maintien du statu-quo, avec renforcement de la gouvernance économique et
politique de la zone ;
- sortie des pays « fragiles » (les « PIGS » essentiellement) ;
- sortie de l’Allemagne, qui récréerait un (mark destiné à se réévaluer
vraisemblablement) ;
- explosion de la zone et retour à la formule précédente (le bon vieux « SME »).
Il apparait de plus en plus que la première branche de l’alternative est la
seule acceptable politiquement pour l’Europe. Toutes les autres équivaudraient à
un constat d’échec, susceptible d’emporter les institutions européennes vers le
gouffre. Cependant le statut-quo suppose, d’une part, des mécanismes de garantie
(Fonds Monétaire Européen, par exemple) et, d’autre par, qu’on le veuille ou
non, une probable « restructuration de dettes pour les pays les plus atteints »
(Grèce certainement, Irlande probablement, Portugal en sursis). Ce qui
entrainera une hausse des taux d’intérêt à long terme, dans la mesure où les
investisseurs exigeront des compensations pour accepter l’abandon d’une partie
de leurs créances.
D’où notre troisième volet : quelles conséquences ces évolutions vont-elles
avoir sur les marchés ? La première réponse dérive du point précédent ; une
crise obligataire se prépare, alimentée par 2 moteurs : la hausse des primes de
risques souverains et des risques sur le secteur bancaire (car les banques sont
créancières des Etats et vont donc être victimes des restructurations de
dettes), et la baisse concomitante des actifs détenus par les investisseurs
(effet de richesse inversée), avec des risques de paniques momentanées (il
faudra surveiller les CDS, utile thermomètre de la fièvre obligataire).
Par ailleurs, la création monétaire généralisée va favoriser l’apparition de
bulles, sur le marché des « commodities » (or compris) et sur certains marchés
immobiliers (Chine, mais également France sur le haut de gamme, et la plupart
des métropoles asiatiques). Quant aux devises, on peut parier que 2011 verra la
continuation des fluctuations que l’on a connues ces derniers mois.
Bernard MAROIS
Professeur Emérite HEC Paris
Président d’Honneur du Club HEC Paris