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Après quelques années d’existence paisible, l’euro, créé officiellement le
1er janvier 1999, a connu de grandes difficultés, à la suite des crises
souveraines récentes (Grèce à l’été 2010, Irlande, début 2011). Ces
interrogations sur le futur de l’euro ont mis en lumière les lacunes de la
construction monétaire européenne et amené les institutions communautaires et
les Etats à réfléchir sur des solutions pour l’avenir.
Les 4 péchés originels de la zone euro
On regroupera les critiques apportées sur l’euro en 4 catégories :
1. Une erreur de conception :
L’histoire économique nous enseigne qu’une union monétaire ne peut réussir que
si elle s’accompagne d’une union économique et politique. Plusieurs exemples
viennent appuyer cette observation : la création du mark ou de la lire ont
accompagné les unifications allemandes et italiennes ; inversement l’Union
Latine ou l’Union Scandinave ont échoué, faute d’un consensus politique fort.
D’un point de vue théorique une union monétaire suppose, pour réussir,
l’existence d’une zone monétaire optimale, c’est à dire une mobilité forte des
facteurs de production, capital et travail, ainsi que la mise en place de la
convergence économique ; sur ce dernier point, il ne s’agit pas d’avoir des pays
avec les mêmes structures industrielles, mais des pays avec des avantages
comparatifs reconnus, et un « niveau de vie » proche.
Les Etats-Unis présentent de ce fait les caractéristiques d’une zone monétaire
optimale, en grande partie, grâce au fédéralisme politique qui permet de
faciliter cette convergence économique à travers l’action positive du budget
fédéral (12% du PIB contre 1% pour l’Union Européenne).
2. Des erreurs dans la mise en place
Pour des raisons politiques, l’Union Européenne a souhaité que le maximum de
pays puisse appartenir, dés le début, à la zone euro. Ainsi on a fait entrer dés
le 1er janvier 1999, des Etats périphériques, tels que la Grèce, l’Irlande, le
Portugal et l’Espagne (dénommées péjorativement les « PIGS ») dont les
structures économiques sont fragiles : ainsi la Grèce dépend beaucoup du
tourisme, l’Irlande d’un « dumping » fiscal excessif ; quand à l’Espagne, elle
s’est trop reposée sur son développement immobilier, au détriment d’une
véritable industrialisation.
Par ailleurs, ces pays ont adhéré à l’euro, à des cours de change, qui de mon
point de vue, étaient surévalués, ce qui a fortement nuit à leur compétitivité.
De ce fait, au lieu de converger, leurs économies sont restées au mieux
distancées par les leaders européens, voire ont divergé encore plus et cela
malgré des subventions européennes abondantes.
3. L’absence de contrôles efficaces
Bien qu’il existe des normes « prudentielles » élaborées dans le cadre du Traité
de Maastricht et du Pacte de Stabilité qui y a été adjoint (en particulier les
règles de 60% d’endettement publique maximum et de 3 % de déficit budgétaire
maximum), aucune sanction n’a été prise lorsque les Etats de la zone euro ont
presque tous dépassé ces limites. De toutes façons, l’application de sanctions
pourtant prévues dans les traités n’a jamais été envisagée sérieusement, car
elle implique un partage de souveraineté que les pays n’étaient pas prêts à
accepter.
En outre, certains pays (en particulier la Grèce) ont triché sur leurs
statistiques réelles ou ont pratiqué des camouflages plus ou moins officiels
destinés à sous-estimer la gravité de leur situation.
4. Le manque de solutions de secours
Il faut reconnaître que la zone euro a plutôt bien fonctionné durant les
premières années ; elle a survécu sans problème majeur à la crise des « dotcoms
» de 2001 ou, à la surévaluation de l’euro (2008), mais la crise financière de
2009-2010 est venue bousculer ces certitudes.
D’une part, les marchés qui avaient fini par considérer l’euro comme une monnaie
internationale à part entière ont étés secoués par la crise grecque éclatée
d’une façon assez inattendue ; la réponse des investisseurs a été également
rapide : les primes de risques sont réapparues dans toute leur ampleur sur les
pays menacés, dans la mesure où le principe de « mutualisation » des risques a
été remis en question.
D’autre part, on s’est aperçu qu’il n’existait pas vraiment de procédure d’aide
pour ces Etats en difficulté. La BCE ne pouvait pas jouer le rôle de pompier
d’une façon durable. Il a donc fallu créer, à chaud, deux mécanismes appropriés
: le FESF (Fonds Européen de Stabilité Financière) propre à la zone euro et le
MESF (Mécanisme Européen de Stabilisation Financière), dépendant de Bruxelles.
A partir de ce diagnostic, quelles pistes peut-on envisager pour l’avenir ?
Les trois solutions pour consolider la zone euro :
Elles doivent être mises en place, en parallèle.
1. Accélérer la réalisation de l’Union économique et politique
Si on considère les enseignements de l’histoire, une zone monétaire pérenne
suppose une unification politique progressive. On n’échappera pas à une certaine
forme de « fédéralisme », en particulier au niveau budgétaire et, peut-être
aussi, fiscal. Cela est d’autant plus indispensable, qu’il y a désormais 17
Etats membres de la zone euro (l’Estonie vient de la rejoindre, le 1er janvier
2011).
2. Favoriser une convergence économique accrue
Il est clair que l’exemple américain nous montre le chemin : augmentation du
budget « communautaire » (cela suppose bien sûr des progrès dans la voie du
fédéralisme, ainsi qu’il a été indiqué dans le paragraphe précédent),
renforcement des mouvements de population intra-zone (équivalences plus
nombreuses en matière de diplômes, harmonisation des politiques sociales,
développement de l’enseignement des langues), coordination des politiques
industrielles pour s’assurer que les « avantages comparatifs » jouent d’une
façon optimale.
3. Renforcer les mécanismes de prévention et de résolution des crises
Nous ne reviendrons pas sur le nécessaire contrôle des politiques budgétaires
des Etats à un niveau « communautaire » et de mise en œuvre de sanctions
politiques et financières, en cas de non respect des engagements. Cette
disposition nous semble incontournable, car il en va de la crédibilité de la
zone euro.
Cette sévérité des sanctions s’accompagne de l’édification de procédures
d’assistance aux Etats en difficulté. Dans la mesure, où le FESF doit
s’interrompre en 2013, il faut d’ores et déjà prévoir la constitution d’un Fonds
Européen pérenne disposant de moyens plus importants (pour pouvoir venir au
secours de pays tels que l’Espagne ou l’Italie), construit sur le modèle du FMI.
On pourrait également envisager la création d’une « Agence Européenne du Trésor
», qui émettraient des obligations « communautaires » au bénéfice de certains
Etats plus fragiles, dans des limites à définir et qui bénéficierait de la
garantie des Etats les plus forts.
On voit donc que le programme est chargé. Compte-tenu des circonstances, il n’y
a pas de temps à perdre avant de le mettre en œuvre. Dans le cas contraire, on
s’exposerait au risque d’éclatement de la zone euro, ce qui serait une
catastrophe pour tous les pays de cette zone.