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Damnation ! La partie est perdue.
Nous autres, libéraux fatigués, éreintés, amollis, avachis, flétris, désabusés
de voir notre société prendre chaque jour le chemin du collectivisme malgré nos
efforts dérisoires pour la modifier, devons nous incliner.
Notre gouvernement vient de nous faire caresser d'une main invisible mais
tremblante de concupiscence, son génie créatif, ce qu'on appelle le génie
français, enfin démocratisé par son action salvatrice, devant laquelle, je le
crains, les libéraux devront s'incliner bien bas.
Car avant de rentrer dans le vif du sujet, admettons que la rencontre du génie
Français n'était pas donnée à tout le monde en général, et à la France d'en Bas
chère à Jean-Pierre Raffarin en particulier, jusqu'aux récentes et fascinantes
avancées gouvernementales dont je m'évertue à retarder la narration par une de
ces digressions verbeuses dont j'ai piqué le secret dans les discours de Fidel
Castro.
Les découvertes de grands scientifiques, tels que Lavoisier, Laplace, Carnot, ou
Bernoulli, ne livrent pas facilement leur substantifique luminosité à n'importe
quel lecteur de Paris Match. La prose d'un Victor Hugo ou d'un Frédéric Bastiat
devient de moins en moins lisible à ceux qui n'ont connu que les méthodes
d'apprentissage de la lecture globales et dérivées dispensées par notre
éducation nationale, dont les pédago-cuistres voient dans les traces de notre
génie vermoulu un danger mortel pour leur entreprise de lobotomisation des
masses, ceci affirmé sans la moindre démonstration, ni la plus petite
contrepéterie, malgré des apparences trompeuses.
Les plus aigris de mes lecteurs me feront d'ailleurs remarquer que Bernoulli
était Suisse. Qu'importe, Eric Woerth s'est procuré la liste des génies
francophones planqués chez les helvètes. Nous saurons accaparer leur héritage
culturel, quitte à faire hisser notre drapeau en Berne, ah mais.
Bref, la dernière création de notre gouvernement va permettre à ceux qui ne
pouvaient comprendre les équations de Fourier ou s'offrir un menu dégustation
chez Bocuse, de sentir la présence du génie Français à leur porte, dans leur
voiture, leur maison, leur bureau, grâce au doigt invisible mais parfaitement
sensible de notre état qui s'enfonce non seulement dans les déficits, mais dans
nos rondeurs béantes et émoustillées par l'inventivité para-éjaculatoire de nos
énarcho-gouvernants, inventivité qui ne manquera pas de faire secréter des
vagues d'endorphines de notre bulbe rachidien à la pointe de notre coccyx, et de
Dunkerque à Saint Joseph de la Réunion.
Mais de quoi c'est-y donc que je vous cause, vous demandez vous en français
comme en vous même, car vous avez appris la grammaire après la création des IUFM
?
Tuons là cet insoutenable suspense. Il est évidemment question de la Taxe
Carbone, fille de la dure lutte climatique sans merci que livrent nos
gouvernants et leurs preux chevaliers, comme Saint Michel de Rocard-Bonnetaxe,
célèbre pour sa théorie scientifique du trou d'ozone dans la poêle à frire, à
qui nous devions déjà la génialissime CSG, dont nous savons tous qu'elle a
permis de sauver la Sécu, comme on nous l'a si bien expliqué à l'époque.
Ah, mais revenons à ce morceau d'anthologie qu'est la taxe carbone, et pâmons
nous de tant d'esprit fiscalement novateur de notre président et de sa cour de
professionnels de la liposuccion sans douleur de nos comptes en banques
(françaises, hein ?). Car, ils l'ont dit, redit, répété et martelé, oyez oyez
contribuables mes frères, les journaux l'ont écrit:
"La Taxe Carbone n'augmentera pas les prélèvements obligatoires".
Je la réécris deux fois, celle là, parce que ce n'est pas, contrairement à ce
que vous pourriez croire, une juxtaposition oxymoronique, mais un dépassement
conceptuel à examiner dans une démarche décontemplative post-logique, qui
submerge les synapses du lecteur au souffle coupé et l'érection tendue par un
tel renversement paradigmatique de la fiscalité française.
"La Taxe Carbone n'augmentera pas les prélèvements obligatoires".
N'êtes vous point saisi de vertige transcendant les frontières de l'espace
quadridimensionnel devant tant d'audace présidentielle, à défaut d'audacitude
royale ?
Notre gouvernement vient d'inventer, sous vos yeux ébahiiiiis, tenez vous bien,
« la taxe qui n'augmente pas les prélèvements obligatoires ». Tel Jésus
inventant le ski nautique dans un film de Jean Yanne, ah quelle malice !
Certains ont eu le prix Nobel pour bien moins que cela.
Mais gageons que notre gouvernement, ayant oublié de faire breveter ce concept
encore plus révolutionnaire que la Guillotine à deux lames en 1793, se le fera
voler par tous les gouvernements du monde, dont l'absence de vergogne est
légendaire. Ainsi, notre invention sera encore célébrée par les livres
d'histoire dans trois siècles, comme le tournant majeur du début de ce
millénaire, et Nicolas Sarkozy sera à jamais présent dans le top 100 des
personnalités qui ont marqué l'histoire établi par tous les Christophe
Dechavanne du paysage audiovisuel pour leurs émissions en prime time sur TF1.
L'impôt qui n'augmente pas les prélèvements obligatoire, ça en impose !
Pourtant, notre gouvernement ne compte pas s'arrêter en si grand chemin vers
l'olympe de la postérité. Bientôt, une nouvelle preuve du génie étatique sera
jetée à la face de tous les rieurs faciles et contribuables sclérosés: En
exclusivité, Objectif Liberté est en mesure de vous annoncer que le futur grand
emprunt d'état sera le premier emprunt qui n'endettera pas !
Voire même, le premier emprunt obligatoire qui n'endettera pas obligatoirement.
Car le concept aurait déjà été décliné en plusieurs versions chargées de séduire
toutes les clientèles du génie public hexagonal. Nos élites sont non seulement
des génies de l'art Fiscal, où la France occupe une première place mondiale
méritée, mais nos hauts ronds de cuir sont également les nouveaux prophètes de
la dette sans douleur, malgré le doigt invisible qui remue encore les bas fonds
des bourses plates du travailleur anesthésié par une bonne quantité de vaseline.
A ceux qui pensent que de tels saut technologiques dans la fiscalité et la
gestion des finances publiques sont irréels, rappelons que l'Etat avait déjà
tutoyé l'absolu stellaire en transformant nos forces de l'ordre en police qui ne
police pas, et nos laboratoires publics en recherche qui ne trouve pas. Vous
voyez donc que l'explosion paradoxale que nous venons de vivre était
parfaitement prévisible et ne fait que prolonger une tendance longue de notre
état à se rapprocher du divin.
Mais ce n'est pas tout. La Taxe Carbone va révolutionner la science économique,
par l'introduction, non pas du doigt invisible dans le fondement du savoir, mais
d'une nouvelle théorie du marginalisme, qui renverra ses promoteurs ancestraux
Pareto ou Walras dans les fosses communes de la préhistoire des rhétoriques
primitives.
Parfaitement.
Car la Taxe Carbone, mesdames et messieurs, oui, la Taxe Carbone, Borloo l'a
promis, Rocard l'a bruni, oui, la taxe Carbone va SAUVER LA PLANETE.
Or, cette Taxe, dont on ne sait encore si elle sera de 14 ou 32 euros la tonne,
Saint Nicolas n'ayant pas encore eu de vision à ce sujet en se rasant le matin,
cette taxe, disais-je donc en me prosternant, aura, entre autres modalités, pour
effet d'ajouter entre 3 et 7 centimes de taxes au litre de carburant, lequel
supportait déjà environ 60 centimes de TIPP.
3 à 7 centimes de taxes qui n'augmenteront pas les prélèvements obligatoires,
mais qui vont sauver la planète ! Si ce n'est pas un deal du tonnerre de Brest,
ça, mille sabords, alors je mange la casquette du capitaine Haddock.
Mais c'est là que le génie de l'état apparaît une fois de plus à nos faces
d'Aladdins éblouis par leurs lampes basse consommation.
En effet, mes chers lecteurs, les 60 premiers centimes de taxes que vous payez
sur chaque litre de carburant étaient ternes et tristes: non seulement ils
augmentaient les prélèvements obligatoires, mais en plus, les idiots, ils ne
sauvaient pas la planète ! Je vous demande un peu ?
Alors qu'avec les 3 centimes de taxe carbone additionnelle, NON ! Les trois
centimes additionnels n'augmentent pas les prélèvements obligatoires et en plus,
sauvent la France, la Planète, que dis-je, l'univers ! La première vague de 60
centimes de taxes vous hérissait les poils, la deuxième lame de 3 centimes coupe
la poêle à frire de Rocard-bonisé avant qu'elle ne s'emballe. Baroque,
Fellinien...
Le gouvernement vient de créer une nouvelle école de science économique, le
Marginalisme Salvateur Terrestre, dont les initiales viendront à jamais embellir
les fronts ceignant les cerveaux admirables de nos ministres et présidents
vénériens, euh, vénérés.
A ce niveau, ce n'est plus du grand art, c'est le huitième jour de la genèse qui
arrive enfin. Aussi je vous annonce que j'abandonne la pensée libérale pour me
prosterner à jamais en direction de l'Elysée en... vénérant, moi aussi, nos
politiciens et leur MST.