Les rémunérations de grands patrons des entreprises du CAC 40 ou des multinationales défraient régulièrement la chronique et choquent souvent par leur démesure. Certes, les médias aiment faire du sensationnel et mettent en avant les cas les plus extrêmes, il n’en reste pas moins que le salarié standard a du mal à avaler la pilule. Mais il y a plus grave, c’est l’idéologie collective qui met dans le même sac tous les patrons, qu’ils président aux destinées d’un groupe de 100 000 salariés comme d’une SARL de 3 personnes. L’image du « patron » est écornée en France à force de regarder le sommet de la pyramide et de généraliser à toute une catégorie qui est très hétéroclite. Du coup le patron est devenu un mal aimé de la société, celui qui s’engraisse à millions sur le dos de l’honnête et laborieux travailleur !
Parachutes dorés, stocks options, bonus… autant de mots qui sonnent mal tant ils ont constitué des abus. Même outre-Atlantique, où le libéralisme est roi, la fronde commence à s’organiser au plus haut sommet de l’Etat. Qu’on juge plutôt : 357 millions de dollars de prime de départ pour le PDG d’Exxon-Mobil, 200 millions de dollars pour celui de Pfizer, ces chiffres donnent le tournis d’autant que ces sommes ont été attribuées après des parcours décevants de ces capitaines d’industrie.
La France qui a longtemps été en retard pour les rémunérations de ses grands dirigeants en a rattrapé une grande partie. Elle n’est est cependant pas encore là, même si elle est en tête en Europe. Les revenus d’un PDG du CAC 40 atteignent environ 2 millions d’euros par an, toutes primes comprises.
En face de cela il faut coller une statistique assez édifiante qui est issue d’une étude conjointe de l’INSEE et de la CGPME (confédération générale des PME) concernant les salaires des patrons des sociétés françaises inférieures à 250 salariés. Quel est il vous demandez vous ? Ne faisons pas durer le suspense plus longtemps : 3900 euros net mensuels ! Nous sommes tout à coup sur une autre planète.
En face des millions d’euros des patrons du CAC 40, la réalité du patronat français est toute autre. Et on ne parle pas d’une paille puisque la France compte environ 2,6 millions d’entreprises dont 99,8% ont moins de 250 salariés !
Pourtant, ces « petits » patrons qui sont à la source de la création d’emploi et de richesse dans notre pays, qui souvent mettent en jeu leur patrimoine personnel, portent sur leurs épaules tout le discrédit des grandes stars du CAC. Ils vivent d’autant plus mal cette situation alors même que leurs revenus sont faibles et que la fiscalité est confiscatoire.
Du coup, les patrons dans leur ensemble sont devenus des parias aux yeux de la société bien pensante. On ne s’émeut pas du tout des 15 millions d’euros annuels de Zidane qui est un modèle de fierté nationale mais les 7 millions d’euros par an du PDG de l’Oréal, qui est également un champion hors norme mais dans le domaine industriel, font crier au scandale. Je me permets une autre comparaison avec le football, puisque c’est assez emblématique de la situation, d’un côté on a le sport roi et de l’autre une classe sociale mal aimée. Sans prendre les grandes stars internationales à la Zidane (15 ME) ou Ronaldinho (25 ME), prenons simplement le milieu de gamme, les joueurs français de ligue 1 (environ 600 personnes). Quel est leur salaire moyen cette année ? 32 000 euros net par mois ! Avouez que ça pourrait donner un choc à certains, et bien non, c’est tout simplement normal pour nos compatriotes. Qu’un chef d’entreprise en gagne le dixième est par contre à peine tolérable…
Pour rendre ses lettres de noblesse au patronat il faudra en passer par un changement radical au sommet de la pyramide. Sous la pression des actionnaires et des pouvoirs publics la situation a déjà commencé à changer : la part variable des rémunérations est la plus élevée d’Europe (environ 50% des revenus des grands patrons), les bonus et autres parachutes dorés sont remis en cause plus systématiquement et notamment lorsque les résultats financiers sont mauvais. C’était quand même un comble de remercier un PDG pour ses mauvais résultats en lui offrant une retraite de grand luxe aux frais des actionnaires qui avaient perdus leur chemise en investissant sur l’action. De même, depuis plusieurs années, la transparence a gagné, les rapports annuels d’activité détaillent désormais les rémunérations des dirigeants.
Certes les talents coûtent cher et les multinationales se livrent à une compétition effrénée pour avoir accès aux meilleurs talents. Il est évident qu’un grand dirigeant doit avoir des revenus en conséquence de ses responsabilités mais il faut absolument les associer directement à la performance de l’entreprise. Il ne faut pas faire de tabous à très bien rémunérer nos meilleurs dirigeants, pas les mauvais.
Le travail sera difficile pour faire évoluer les mentalités mais il sera
payant à long terme. Il faut redonner confiance à tous ces entrepreneurs
anonymes qui se sentent bien seuls, c’est par eux que passera le développement
de notre croissance. Leur rendre hommage aussi plus souvent et reconnaître leurs
talents sans les montrer du doigt à la moindre occasion dans un schéma de lutte
des classes qui n'est plus de notre temps.
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