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Test grandeur nature du crowfunding avec Unilend

Par Rodolphe Vialles;

rodolphe vialles

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Ça fait longtemps qu’on n’a pas parlé de « crowfunding » sur ABC Bourse, depuis un article il y a quelques mois sur le service Prêt d’Union. Aujourd’hui très en vogue, le « financement participatif » est en forte accélération depuis que le gouvernement a mis en place un cadre juridique clair encadrant cette nouvelle activité.

J’ai choisi de vous parler du financement participatif en direction des entreprises et notamment sous forme de prêts comme le propose la société Unilend. Cette dernière met en relation des PME qui cherchent un financement et des particuliers.

Mise en situation réelle

Pour mieux comprendre et disséquer le fonctionnement, quoi de mieux que jouer le rôle de cobaye en ouvrant un compte chez Unilend, ce que j’ai fait il y a trois mois. Le service est bien fait, le site est clair et simple. On accède alors à une liste de projets, au rythme d’un à deux par semaine.

unilend

Chaque société y est présentée avec son historique comptable des trois derniers exercices, son histoire, la raison pour laquelle elle cherche un financement, combien elle cherche et sur quelle échéance (de 24 à 60 mois) et enfin pourquoi et comment elle va rembourser les internautes qui jouent le rôle de banquiers.

Il y a donc tout sous la main pour se faire une première idée de la solvabilité de l’entreprise et de la qualité du projet afin de décider de lui prêter ou non. Nous verrons plus bas que ça ne suffit malheureusement pas…

Un système d’enchères inversées, assez prenant il faut le dire, permet de distribuer son épargne sur les projets. On choisit un montant (à partir de 20€) et un taux d’intérêt (maximum 10%) auquel on accepte de prêter. A l’issue de l’opération de quelques jours et si la somme demandée par l’entreprise est atteinte, les meilleures offres sont retenues et l’aventure commence.

Ensuite chaque mois l’entreprise rembourse son crédit, les prêteurs reçoivent leur fraction du capital et les intérêts suivant un échéancier classique. Voilà pour le fonctionnement qui a le mérite d’être simple et assez ludique.

Le bilan avec un premier défaut de paiement au compteur

En trois mois j’ai participé au financement de 20 entreprises avec à chaque fois une petite participation de 100 à 200 euros, cela permet d’avoir un échantillon d’étude et de tirer les premières leçons. Au-delà de l’aspect financier (les taux servis sont globalement autour de 9% par an), il y a la satisfaction de financer des entreprises et de voir de manière très concrète à quoi sert son épargne. Mais on ne peut éluder l’aspect financier car s’il n’existe pas, autant faire des dons.

Dans ce type d’activité de financement, le taux de défaut des entreprises est situé entre 1 et 2%. J’attendais donc avec un petit stress le premier ratage. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il n’a pas tardé car il vient tout juste de se produire, de surcroit sur le premier dossier que j’avais financé...

En l’occurrence il s’agit de la société Smok-It, spécialisée dans les cigarettes électroniques. Elle est en redressement judiciaire depuis la fin novembre. Elle avait levé 75 000 euros il y a trois mois et n’a honoré que 2 échéances (sur 36) auprès des 329 prêteurs qui lui avaient fait confiance. Unilend a réagi rapidement et propose aux investisseurs un formulaire pré rempli pour déclarer sa créance auprès du mandataire judiciaire. Malgré tout et alors que la plateforme fête ses un an d’activité et son 85ème projet, cela fait tâche.

La sincérité des informations présentées en question ?

C’est évidemment la première question qui se pose après ce premier revers. Les investisseurs avaient-ils à leur disposition les informations pertinentes leur permettant de jauger le risque sur le dossier ? Je pense personnellement que non.

Le lien suivant vers la fiche projet (https://www.unilend.fr/projects/detail/smok-it-1456) permet de voir les comptes des trois derniers exercices. La croissance est très forte et le prévisionnel pour 2014 laisse entrevoir sa poursuite. L’affaire est rentable et aucun facteur de risque particulier n’est mis en avant, au contraire la présentation est flatteuse.

unilend smok-it

Seulement, après avoir emprunté 75 000 euros il y a trois mois, la société se retrouve brutalement en redressement judiciaire et là les questions se posent. Un tel niveau de risque était-il prévisible ? Unilend a-t-elle vérifié les informations transmises par la PME ? Y-a-t-il eu une distance suffisante sur la présentation ou un embellissement marketing pour permettre la levée de fonds ? Aucune réponse à ces questions pour l’instant et un long entretien téléphonique avec Unilend ne me permet pas d’affirmer l’un ou l’autre. Ils sont professionnels et compétents mais n’ont peut-être pas pris toutes les précautions nécessaires sur cette affaire. Rappelons que Smok-It était notée 3 étoiles sur 5 par Unilend qui fait un ‘scoring’ sur chaque projet.

Le point noir réside malgré tout pour moi dans la vérification des informations fournies par les sociétés qui présentent leurs projets et de ce côté-là on peut envisager un manquement. Un élément important m’a fait tiquer, sur la fiche de présentation plus haut, on lit que la société a été fondée en 2007.

En consultant societe.com on observe que :

« Localisée à PARIS (75010), au 268 Rue du Faubourg Saint Martin, la société SMOK-IT est active depuis 3 ans. Cette société par actions simplifiée a vu le jour le 24 mai 2011 »

Créée réellement en 2011, donc une vie très courte mais présentée aux investisseurs comme existant depuis 2007 ! On ne peut s’empêcher de faire un bond à la lecture (trop tard malheureusement) de cette différence. Une société de 7 ans ce n’est pas la même chose qu’une de 3 ans en terme de solidité, c’est donc un élément de nature à tromper les investisseurs qui pensaient investir sur une PME mature. Lors de mon entretien téléphonique, la personne d’Unilend a été incapable de me donner des précisions sur ce point.

L’explication du redressement judiciaire tel que transmis par Unilend est la suivante : « la société avait acheté des stocks importants en prévision de deux commandes qui ne se sont finalement pas concrétisées »... bref ça fera 100 euros de perdus sur cette aventure, car il ne faut pas se faire trop d’illusions sur l’issue du redressement.

Le risque tout le monde l'accepte sur ce type de financement, on ne sert pas du 9 ou 10% sans raisons. Les prêteurs attendent cependant une transparence et surtout une façon de pouvoir appréhender correctement le risque, ici ce n'était clairement pas le cas et il y a un travail beaucoup plus serré de vérification à mener par les équipes d'Unilend. On peut pas se contenter de relayer simplement l'information fournie par la société demandeuse.

Quel rendement attendre ?

Si le législateur a créé un cadre clair sur le crowfunding, en matière de prêts la fiscalité est plutôt de nature confiscatoire. Les intérêts reçus sont imposés à la tranche marginale d’imposition (TMI) ainsi qu’à la CSG (15,5%). En outre les pertes en capital ne sont pas déductibles des intérêts reçus.

En prenant le cas concret de mon test grandeur nature : 3000 euros investis sur 20 projets à un taux moyen brut de 9%. Prenons une TMI de 30%, soit des intérêts qui subissent 45,5% d’impôt et intégrons ce défaut de paiement.

Si tout se passe bien (pas de défaut) le rendement atteint 4,90% net par an, pas mal ! En intégrant ce défaut de paiement sur un projet il tombe à 1,57% et encore dans ce scénario je pars du principe que chaque mois je réinvesti les remboursements perçus sur de nouveaux projets.

On le voit, un défaut de paiement en début de prêt entraîne un rendement très faible qui ne présente plus aucun intérêt financier. En diversifiant encore davantage sur 50 ou 100 projets on améliore la perte de rentabilité liée au risque de défaut mais au final on ne fera pas mieux qu’une assurance-vie classique qui ne demande aucune gestion au quotidien et qui bénéficie d’un cadre fiscal bien plus favorable. Après il reste cette fameuse satisfaction de financer directement l’économie de manière très concrète. Est-ce un motif suffisant ? A vous de le dire.


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