Lorsque vous évaluez la valeur réelle d'une action, il est essentiel de prendre en compte les taux d'intérêt. Ceux-ci jouent un rôle crucial dans la construction et la gestion de votre portefeuille.
Les investisseurs ayant commencé leur carrière dans les années 2010, ont complètement occulté l'impact des taux d'intérêt sur les actions, car les banques centrales ont mené à outrance des politiques monétaires accommodantes. Ces dernières ont faussé certaines habitudes d'investissement et les cycles économiques.
Avec le retour d'un environnement inflationniste et des politiques monétaires plus restrictives, il serait peut-être temps de vous poser la question au sujet des impacts de la hausse des taux d'intérêt sur les actions.
Une hausse de la prime de risque action
La concurrence entre les actions et les obligations d'Etat se distingue par la notion du risque et du rendement. Les obligations d'État, généralement considérées comme moins risquées par les investisseurs, offrent des rendements plus modestes. Le risque de défaut est faible, car l'émetteur, souvent un gouvernement, a le pouvoir de créer de la monnaie. De plus, les obligations des pays développés, comme le T-Bond américain à 10 ans, sont très liquides et servent de référence sur le marché pour le taux sans risque.
En ce qui concerne la prime de risque action, elle dépend du coût des capitaux propres et de la prime sans risque.
Coût des capitaux propres = Taux sans risque + Beta * Prime de risque action
Quand le coût des capitaux propres augmente, la valeur des actions diminue. En termes simples, la valeur actuelle d'une entreprise est basée sur ses cash-flow futurs, mais ils sont réduits par le coût des capitaux propres.
Pour rendre cela encore plus clair : si le rendement du T-Bond US à 10 ans est élevé, le coût des capitaux propres augmente. En conséquence, les cash-flow futurs de l'entreprise valent moins aujourd'hui.
Un effet direct sur la valorisation des actions
Le graphique ci-dessous vous montre que l'évolution des taux d'intérêt à long terme, qu'elle soit à la hausse ou à la baisse, a un effet direct sur la valorisation des actions.
Source Yale de Robert Shiller
La décorrélation entre le Shiller PE, le Price Earnings Ratio ajusté de l'inflation moyenne sur 10 ans et le rendement du T-Bond US à 10 ans, est importante. Des taux d'intérêt faibles gonflent la valorisation des actions.
Cependant, il y a eu des entorses à la règle. Par exemple, il y a eu des périodes où les taux d'intérêt et les valorisations des actions étaient tous deux faibles, comme pendant la Seconde Guerre mondiale dans les années 1940 et au début des années 1950. Cela s'est produit parce que le gouvernement contrôlait les taux d'intérêt, une politique appelée « Yield curve control ».
De même, l'inverse peut se produire. Dans les années 1960, on a vu des taux d'intérêt et des valorisations des actions élevés en même temps, notamment pendant la bulle des « Nifty Fifty ». C'était une période où un petit groupe d'actions très populaires était fortement valorisé et chouchouté par les investisseurs.
Des taux d'intérêts plus élevés, c'est anticiper un retour de l'inflation
Quand les taux d'intérêt augmentent, c'est souvent parce que l'inflation est prévue plus forte que prévu. La FED souhaite une inflation moyenne de 2 % par an sur la décennie 2020, ce qui signifie qu'elle pourrait tolérer une inflation supérieure à ce seuil pour compenser la faible inflation des années 2010.
Anticipations d'inflation aux Etats-Unis à l'horizon de 10 ans
Les anticipations d'inflation aux Etats-Unis à l'horizon de 10 ans restent ancrées au-dessus des 2 %. D'autant plus que l'inflation chez l'Oncle Sam pourrait marquer une quatrième année consécutive au-delà de la cible traditionnelle. Si l'inflation reste élevée pendant un certain temps, acheter des actions ne suffira pas. Il faudra être plus sélectif dans vos choix d'investissement.
En conclusion, des hausses d'intérêt à intervalles régulières sont souvent le fruit d'un environnement inflationniste. Elles entraînent un retour à la normale de la prime de risque sur le marché action. Ce qui pourrait conduire les investisseurs à être plus attentifs sur les valorisations. Dans ce potentiel changement de paradigme, les actions values et les actions adossées à des actifs tangibles pourraient renaître définitivement de leurs cendres. Les premières, sous condition de solides fondamentaux, auraient tendance à offrir des rendements supérieurs à l'inflation et au risque associé aux actions, tandis que les actifs tangibles constituent une bonne protection contre la dépréciation de la valeur de la monnaie par leur caractère de rareté.