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Le plus grand réservoir de pépites au monde : les small caps japonaises !

Par Loïc Abadie, le 20/07/2023

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Bien entendu pour une construction d’épargne financière efficace, il vous faut un PEA intégrant des valeurs françaises et européennes, ce qui vous évitera toute fiscalité durant la durée de vos placements.

Mais ne miser que sur l’Europe sans chercher à investir une partie de son patrimoine ailleurs serait pour moi une lourde erreur.

Et à ce niveau, le Japon doit retenir aujourd’hui toute votre attention vu les caractéristiques boursières très particulières de ce marché.

Le paysage financier japonais se caractérise avant tout par un conformisme très élevé des investisseurs, bien plus qu’en Europe et aux USA.

Ce conformisme amène les investisseurs et les analystes à privilégier massivement (pour le moment) les grosses capitalisations, en « oubliant » les petites et moyennes capitalisations.

75% des small caps japonaises ne sont couvertes par aucun analyste, alors que 70% des small caps américaines sont couvertes par au moins trois analystes.

La conséquence pratique est qu’un grand nombre de small et mid caps japonaises sont totalement oubliées des investisseurs institutionnels (c’est-à-dire les gérants de fonds et institutions bancaires), et présentent de ce fait des anomalies de valorisation (c’est-à-dire des décotes à exploiter pour un investisseur « fouineur ») bien plus importantes que sur d’autres places.

Pour établir des chiffres précis sur ces anomalies, j’ai appliqué la même procédure de sélection d’actions (grâce à un robot de filtrage financier appelé « screener ») sur plusieurs marchés, avec les critères suivants :

  • Valeur d’entreprise / EBITDA < 7
  • Capitalisation / capitaux propres tangibles < 1
  • Variation du cours sur un an > -5% (pour écarter les titres en réelle tendance baissière)

Ce sont des critères d’analyse financière très classiques mais efficaces : un ratio portant sur un flux de résultat, un autre portant sur la décote sur capitaux propres et le dernier destiné à éliminer les valeurs en tendance baissière franche.

Voici les résultats obtenus, en nombre de valeurs :

 

Nombre de titres

Succès au screener

pourcentage

USA

8890

236

2,6%

France

699

24

3,4%

Pologne

723

59

8,1%

Turquie

511

30

5,8%

Japon

4050

942

23,2%

 

Le constat est étonnant : Le screener renvoie 23% de positifs pour le Japon, contre 6 ou 8% pour des marchés pourtant très décotés comme la Turquie et la Pologne, et moins de 4% pour les marchés plus chers type France ou USA.

Le nombre de résultats est encore plus frappant : 942 opportunités potentielles au Japon contre 24 en France et 236 aux USA (qui est pourtant de loin le plus grand marché du monde).

On peut donc dire sur la base de ces résultats que les small caps japonaises sont aujourd’hui le marché le plus décoté et proposant le plus d’opportunités d’investissement au monde !

Ensuite les small caps japonaises sont en partie décorrélées des grands indices boursiers : le coefficient de corrélation entre le MSCI japan small caps et le SP500 est de 0,39 seulement, alors qu’il est à 0,81 entre le SP500 et la zone EAFE (qui regroupe les marchés développés hors USA). Ceci peut être utile à un moment où les marchés américains apparaissent surévalués et exposés à un risque de retournement baissier.

Cette moindre corrélation se voit bien sur les indicateurs d’activité manufacturiers japonais (PMI), qui sont proches de 50 actuellement, alors qu’ils sont largement au dessous de 50 et en pleine récession aux USA et en Europe (PMI manufacturier à 43,4).

La structure du bilan d’une majorité de small caps japonaises est très solide, avec un faible endettement et une fréquente décote sur capitaux propres tangibles. Les entreprises sont souvent familiales, avec des dirigeants qui ont tendance à accumuler les capitaux propres sous formes d’actifs nets liquides (avec comme inconvénient cependant une distribution de dividendes un peu faible).

Enfin le secteur des small caps « value » japonaises est aujourd’hui proche d’un bas de cycle et très en retard sur les grosses capitalisations du nikkei :

grosses capi nikkei 

Mais une objection légitime que vous pourrez m’apporter est de dire que si ces valeurs sont bien parmi les moins chères du monde et sont oubliées, elles pourraient le rester pendant cinq ou dix ans de plus et voir leur cours « végéter » de façon préjudiciable à l’investisseur.

En réalité, dès que les ratios de flux sont suffisamment bas (c’est-à-dire que les sociétés cotées concernées produisent beaucoup de richesses par rapport à leur capitalisation), les sociétés accumulent rapidement les richesses produites, et voient de ce fait leur valorisation augmenter même si leur ratios restent bas et que la valeur reste hors des « radars du marché » !

J’ai pu backtester plusieurs stratégies de screening sur la période 2008-2023 portant sur le Japon, et les résultats obtenus ont largement dépassé mes attentes, puisqu’ils ont été globalement au dessus de ceux obtenus sur des screening « multi-pays », avec des rendements annualisés compris entre 21 et 29% sur la période testée .

L’autre résultat intéressant délivré par ces tests est la régularité : les stratégies « japonaises » me donnent les meilleures performances hors « outliers » (un « outlier » étant une action dont la performance s’écartera très fortement de la moyenne) de la quasi-totalité de mes stratégies de screening :

screener japon

Copie d’écran de mon compte screener « Unclestock »

Et ces résultats de backtests se sont produits sur une période plutôt peu favorable aux small caps japonaises (notamment après 2013), l’indice des small caps japonais ayant sous-performé et accumulé du retard et de la décote. Il est tout à fait envisageable que cette situation change et que cet indice rattrape le retard accumulé par la suite.

Si vous ne souhaitez pas investir en direct sur les small caps japonaises, vous pouvez utiliser un tracker coté sur le marché américain : Ishares MSCI Japan small caps ETF, code SCJ sur le Nyse.

Sinon, des brokers comme BforBank, Saxo Banque (pour les brokers ayant des comptes en Frances et les récapitulatifs fiscaux associés) ou De Giro et Interactive Brokers (pour des brokers basés à l’étranger) pourront vous offrir un accès direct à ces small caps japonaises.

Je vais finir par vous proposer un exemple de PME japonaise décotée (j’en ai de nombreuses autres en réserve !), pour vous donner une idée des opportunités disponibles sur ce marché japonais :

La société Sumitomo Seika Chemical (code ISIN : JP3405600002, code 4008.T) est une société qui produit des polymères absorbants (notamment pour l’industrie des couches) et d’autres composés chimiques pour des applications variées. 

Elle est bien établie à l’international, et son chiffre d’affaires connaît une croissance régulière, de 6,2% en rythme annualisé sur cinq ans, et de 12,8% sur trois ans.

Elle n’a aucun endettement net (sa trésorerie excède largement ses dettes financières), et tous ses exercices depuis 2005 au moins ont été bénéficiaires.

Vous pouvez consulter son fact book en anglais ici (elle offre un bon site de relations investisseurs en anglais, ce qui est un gros plus pour une société japonaise).

On peut notamment constater son excellente régularité (sur plus de trente ans !), avec aucun exercice déficitaire, et une croissance régulière du résultat opérationnel :

sumitomo seika chemicals

Une entreprise de cette qualité devrait logiquement se payer assez cher. En Europe elle se traiterait sans doute sur un PER de 15 à 20, et capitaliserait deux fois ses capitaux propres dans les conditions de marché actuelles.

Et pourtant Sumitomo Seika Chemicals se négocie aujourd’hui avec les ratios suivants :

  • PER : 6,9
  • Valeur d’entreprise / EBITDA : 3,44
  • Valeur d’entreprise / chiffre d’affaires : 0,42
  • Capitalisation / capitaux propres : 0,69 (donc plus de 30% de décote sur capitaux propres !).

Plus étonnant encore, l’actif net liquide (NCAV = trésorerie + créances + stocks – total des dettes), cher à Benjamin Graham, couvre plus de 75% de la capitalisation boursière !

Pourquoi une telle valeur est elle aussi sous-évaluée ? Ce sont les mystères du Japon actuel !

En attendant le marché semble quand même commencer (tout juste) à réaliser qu’il y a un sujet ici :

action japon

(graphique : investing.com).

Le titre dont le cours végétait depuis 2014 a commencé à se réveiller fin 2022 dans de forts volumes d’échanges : le marché semble donc commencer à redécouvrir cette valeur.

Si vous souhaitez aller plus loin sur ces valeurs japonaises, et progresser en analyse financière, je viens de mettre à jour ma formation à l’analyse financière, avec un dossier spécial sur seize small-mid caps japonaise très décotées et à fort potentiel, et le détail des stratégies de screening que j’utilise pour les trouver (et pouvoir ensuite en trouver beaucoup d’autres !).

Bien entendu ces stratégies sont réplicables sur d’autres pays, l’analyse financière et le fonctionnement des entreprises étant quelque chose d’assez universel.


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