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Construire et diversifier votre portefeuille : Stop à l'investissement patriotique

Par Sovanna Sek, le 26/09/2025

Sovanna Sek

Le réflexe est compréhensible. En tant qu’investisseur français, tourner son regard vers le CAC 40 semble un geste naturel, un acte de confiance en l’économie nationale. Ce penchant, souvent qualifiée d’investissement patriotique, repose sur l’idée que nous connaissons mieux les entreprises de notre pays, que nous devons les soutenir et que leur prospérité est liée à la nôtre. Pourtant, cette approche peut se révéler contre-productive à la performance et la sécurité d'un portefeuille. Confondre sentiment national et rationalité financière revient à naviguer avec une carte incomplète, ignorant délibérément les vastes d’opportunités qui s’étendent au-delà de nos frontières.

La finance est un champ de bataille où le pragmatisme doit l’emporter sur la passion. L’investisseur intelligent a pour unique patrie la croissance et pour seul drapeau la diversification. S’enfermer dans l’écosystème boursier français, qui ne représente qu’une fraction infime de la capitalisation boursière mondiale, c’est se condamner à une forme de sous-performance chronique et à une exposition démesurée aux risques spécifiques de l’Hexagone. Il est temps de regarder la réalité en face : le cœur de la finance mondiale bat à Wall Street, et ignorer cette évidence, c’est prendre le risque de rater les meilleures tendances.

La domination écrasante de Wall Street

trader wall st

La Bourse de Paris ne peut pas constituer à elle seule un terrain de jeu suffisant. La preuve est dans les chiffres : la capitalisation boursière des États-Unis dépasse celle de toute l’Europe réunie. La majorité des transactions et de la liquidité mondiale se concentrent outre-Atlantique. Des géants comme Microsoft, Nvidia ou Coca-Cola définissent les tendances et animent les marchés. Se priver de cette exposition, c’est comme refuser de jouer dans la division majeure sous prétexte que le championnat local est plus familier.

Certains pourraient objecter les risques liés au dollar, surtout dans un contexte d’incertitude politique lié au second mandat de Donald Trump, qui pourrait effectivement entraîner une volatilité de la devise américaine. Cependant, cette crainte est souvent mal placée. D’une part, un dollar faible peut être un avantage pour un investisseur européen, car il permet d’acheter des actifs américains à un prix plus intéressant. D’autre part, la monnaie n’est qu’un paramètre parmi d’autres ; la performance à long terme d’une entreprise comme Amazon ou Pepsico est bien plus déterminante que les fluctuations du taux de change. Par ailleurs, une partie du risque de change peut être gérée, voire utilisée comme une opportunité de couverture supplémentaire.

La diversification géographique : une armure contre l’imprévisible

Le principal avantage de sortir du pré carré français n’est pas seulement d’accéder à plus de croissance, mais de se protéger contre les chocs locaux. La diversification géographique est l’une des rares « baguettes magiques » en finance. Elle permet de lisser les performances d’un portefeuille. Quand l’économie française stagne, celle des États-Unis ou de l’Asie peut être en plein boom. Quand un événement politique ou social frappe la France, il a un impact limité sur un portefeuille mondialisé.

Cette stratégie offre un accès à des secteurs sous-représentés ou absents du CAC 40. Où sont les leaders mondiaux des nouvelles technologies à Paris ? Ils sont aux États-Unis, à Taïwan, en Corée du Sud ou en Chine. En restant concentré sur le marché français, l’investisseur se prive de véritables moteurs de l’économie moderne. Un portefeuille diversifié à l’international est plus résilient et mieux positionné pour capturer les tendances globales.

Les déconvenues parisiennes : un rappel douloureux

L’histoire récente de la Bourse de Paris est émaillée de blessures qui devraient servir de leçon. Avoir mis tous ses œufs dans le panier français aurait été catastrophique pour qui aurait suivi aveuglément les valeurs supposées « sûres ». Qui se souvient d’Alcatel, un fleuron des télécommunications qui a progressivement disparu du radar après une série de mauvais choix stratégiques ? Ingenico, leader français des terminaux de paiement, a connu une chute vertigineuse avant de se faire racheter à un prix modeste.

Le cas désespéré d’Europcar était un énième exemple d'IPO mal conçu. Le drame nucléaire d’Areva, devenu Orano, a englouti des milliards d’euros de valorisation et nécessité un sauvetage par l’État. Même des valeurs plus récentes du CAC 40, comme Teleperformance, peuvent voir leur réputation et leur cours s’effondrer sous le feu de critiques des acteurs de marché, rappelant que la dépendance à un seul marché amplifie les risques. Ces exemples ne signifient pas que le marché français est mauvais, mais ils prouvent qu’aucun marché n’est à l’abri d’accidents graves.

L’investissement sans frontières : la vraie stratégie gagnante

L’investissement patriotique est un leurre. C’est une stratégie qui flatte le cœur, mais qui néglige le cerveau, exposant l’épargnant à des risques de concentration et à une sous-performance potentielle. Les émotions, qu’elles soient la fierté nationale ou la familiarité, sont de mauvaises conseillères en matière de placement. Le véritable patriotisme de l’investisseur français devrait être de préserver et de faire croître son épargne avec les outils les plus efficaces, qu’ils viennent de Paris, de New York ou ailleurs.

La mondialisation des marchés est une chance, pas une menace. En diversifiant géographiquement son portefeuille, on ne tourne pas le dos à la France ; on offre simplement à son capital une chance de prospérer où que la croissance se trouve. La résilience et la performance se construisent en élargissant son horizon, pas en se barricadant dans son jardin. La Bourse n’a pas de frontières, et c’est précisément sa plus grande force pour qui sait en tirer parti sans préjugés.


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