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Brillante réussite de la France au « sleep test »

Par Loïc Abadie;

loic abadie

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Comme on pouvait s’y attendre, nos banques européennes ont parfaitement réussi leur examen de passage des « stress tests » : 92% de réussite en Europe (84 banques sur 91), 100% de réussite en France…C'est encore mieux que notre bac (dont le taux de réussite finira aussi par approcher 100% à la suite d'"adaptations" et "harmonisations" répétées des programmes et barèmes de notation) !

Nous allons donc avoir droit dans les heures et jours à venir à de multiples articles, déclarations triomphantes de divers responsables politiques sur le fait que les banques françaises font partie des tous meilleurs élèves.

Voyons quand même d’un peu plus près le barême de notation très « spécial » qui a été retenu pour ces tests. Il figure dans ces deux pdf communiqués par la banque de France, qui sont de véritables chefs-d'oeuvre d'autosatisfaction : communiqué et annexe.

Le « scénario de stress » envisagé (censé évalué la résistance de notre système bancaire aux pires conditions) est le suivant :

1) PIB

Il a été envisagé une récession de 0,1% en 2011 en France après une croissance de 0,7% en 2010…Nous avons eu des chiffres de recul du PIB de –5 à –10% au cours de la première vague de la crise en cours. Mais visiblement pour les organisateurs du « sleep test », cela ne se produira plus jamais, et –0,1 % (c’est à dire une gentille stagnation économique) représente maintenant la pire chose qui puisse nous arriver. Vive la zen attitude !

2) taux de chômage

Dans le scénario du pire, il passerait de 10,2 à 10,5% (hausse de 0,3%). Ce taux de chômage a progressé de près de 2,5% en 2 ans, d’autres pays ont connu des hausses supérieures à 4%. Mais là aussi, cela ne se reproduira plus jamais au pays des sleep tests, le pire qui puisse nous arriver est une hausse de 0,3% !
Relaxez vous, respirez profondément, tout va bien.

3) Le meilleur de la farce à présent : les dettes souveraines.

Cette partie de l’examen avait pour but de vérifier que nos banques étaient capables de faire face à un gros problème sur la dette souveraine d’un ou plusieurs états européens. L’exposition des banques aux dettes souveraines se décompose en deux parties : le portefeuille bancaire (82% du total environ pour les banques françaises) et le portefeuille de négociation (18% du total).

Premier tour de passe-passe de nos magiciens du sommeil : n’appliquer les décotes sur les dettes qu’à la partie « négociation » (soit moins de 1/5 de l’exposition réelle).

Second tour de passe-passe : limiter les décotes appliquées aux pays les plus exposés (Portugal, Espagne, Irlande, Pologne) à une fourchette de 10 à 15%, à l’exception de la Grèce (décote de 23%, ce qui reste très modéré).

Ces deux tours de passe-passe font que la décote réelle appliquée, si on prend en compte la totalité de l’exposition est de :

- 6% pour la Grèce
- 2,7% pour le Portugal
- 1,3% pour l’Espagne


Et il s’agit là des décotes censées être les plus dures.

Quelle personne ayant un minimum de bon sens pourrait croire que si un état venait à faire défaut sur sa dette souveraine, les créanciers ne subiraient qu’1 à 6% de pertes ? Dans le monde réel, les chiffres se situent plutôt entre 40 et 80%.
C’est pourtant cela bien que le « Comité européen des contrôleurs bancaires (CECB) » voudrait que nous croyions !

Un dernier point maintenant…Il existe un « stress test » tout simple, que chacun peut faire sur sa banque, qui est bien plus sérieux que la comédie du CECB. C’est le leverage ratio.

En situation de forte crise, presque tous les actifs des banques sont exposés à des pertes : les prêts aux entreprises, aux ménages, les dettes souveraines, les actifs boursiers…etc. Même les emprunteurs les plus solides peuvent faire défaut (ce n’est pas une vue de l’esprit, près de 50% des saisies immobilières aux USA sont aujourd'hui le fait d'emprunteurs de la catégorie "prime" pourtant censée être la meilleure).

Nos banques européennes (et françaises) ont en moyenne un leverage ratio de 20 à 40 actuellement (certaines dépassent encore 50).

Un leverage ratio de 20 signifie qu’il suffit de 5% de pertes sur l’actif de la banque pour qu’elle n’ait plus de capitaux propres (faillite potentielle).
Un leverage ratio de 40 signifie qu’il suffit de 2,5% de pertes sur l’actif pour que les capitaux propres de la banque disparaissent.

Voilà ce qui constitue à mes yeux le vrai « stress-test ». Et Il montre que notre système bancaire dans son ensemble est totalement incapable de faire face à une situation de forte crise.

Bonne nuit à toutes et à tous grâce à la pilule magique du CECB !

Loic Abadie

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