Une fois la crise passée, la demande mondiale en énergie va reprendre sa
hausse, sous l'effet de la reprise économique et du développement rapide de pays
comme la Chine et l'Inde. Le problème des ressources en énergie devrait alors
refaire surface.
Les énergies renouvelables sont pour l'instant marginales :
- l'éolien et la géothermie ne sont utilisables que dans des situations bien
particulières (Islande et géothermie, certaines zone littorales pour l'éolien)
et sont des sources très marginales incapables de couvrir une part importante de
nos besoins énergétiques.
- les bio-carburants nécessitent trop de surface cultivable et sont également
assez marginaux en terme de contribution à nos besoins.
- l'hydraulique est déjà massivement exploité.
- L'hydrogène dont les médias parlent beaucoup n'est pas une source énergie mais
un simple moyen de stocker l'énergie produite par d'autres moyens.
- Seule l'énergie solaire est capable de couvrir nos besoins (et même bien au
delà), mais on ne sait pas encore l'exploiter à des prix compétitifs face aux
énergies fossiles.
Malgré tout, pour l'approvisionnement du monde en énergie (de façon
générale), il n'y a pas de problème majeur pour les 200 ans à venir à cause de
l'abondance des réserves de charbon (c'est le niveau estimé des réserves en
charbon).
Ce n'est pas écologique du tout, c'est clair (même si les techniques
actuelles sont beaucoup moins polluantes qu'avant au niveau des particules et du
soufre, le problème du CO2 existe toujours), mais l'écologie ne pèsera
malheureusement quasiment rien dans un contexte de reprise économique mondiale
et de forte demande en énergie après la crise.
Pour le pétrole, la situation est plus complexe :
On peut trouver sur le web, des sites qui nous parlent d'un prochain épuisement
des ressources en pétrole (peak oil) et d'un monde dans lequel le pétrole
viendrait à manquer ou deviendrait extrêmement cher. Plus en détail, la théorie
du peak oil est en partie vraie : Le problème de l'épuisement ne se pose
pas quand près de 100% des réserves ont été consommées, mais à 50%.
Au delà de ce seuil « fatidique » de 50%, la production commence à fléchir (la
moitié des réserves a été consommée), alors que la demande (via Chine et Inde)
continue d'augmenter.
Résultat : les prix flambent même si il y a toujours du pétrole.
Actuellement, on a de bonnes raisons de penser que ce seuil de 50% est proche
(on l'atteindrait dans un délai de 5 à 15 ans, difficile à dire). En tout cas
les champs d'Amérique du Nord et de la mer du Nord sont déjà sur le déclin, et
la moitié des réserves du plus gros champ du monde (Ghawar en arabie-saoudite) a
été consommée.
Par contre, et c'est à ce niveau que les tenants de la théorie du peak oil
se trompent, il existe des solutions de remplacement relativement bon marché :
1) Les sables bitumineux canadiens forment des réserves potentielles en
pétrole équivalentes à celles de l'Arabie Saoudite et permettent de produire du
pétrole synthétique à un prix de revient d'environ 20-25$ US (25-30$ canadiens)
par baril. Des ressources du même type existent au Venezuela (Orénoque) et en
Sibérie.
Le groupe Syncrude a fait depuis longtemps la preuve de la rentabilité de son
modèle économique (il existe depuis 1978) et a déjà produit près de 2 milliards
de barils avec une forte accélération ces dernières années qui va se poursuivre
(200 000 barils par jour (bpj) actuellement, 500 000 bpj prévus pour 2015).
Syncrude couvre déjà 15% des besoins en pétrole du Canada et de nombreux autres
projets voient actuellement le jour dans la région de l'Alberta.
2) Autre source possible, encore plus importante, et appelée à un
développement considérable : le « coal to liquid »
C'est à dire la transformation du charbon en pétrole synthétique via la réaction
de Fischer-Tropsch.
La réaction de Fischer-Tropsch utilise comme matière première (au choix) le
charbon, le gaz naturel, ou même la biomasse et fonctionne très bien avec le
charbon seul (tous les types de charbon sont utilisables, la lignite, présente
en abondance sur tous les continents étant économiquement le type de charbon le
plus rentable pour cette réaction).
Ce procédé est connu depuis longtemps (1923) et a assuré l'autonomie en pétrole
de l'Allemagne nazie et de l'Afrique du Sud sous le régime de l'apartheid.
Pour les aspects économiques, voici quelques ordres de grandeur :
- Les investissements nécessaires sont de l'ordre de 60 000 à 80 000 $ par baril
de production journalière (bpj) d'après les études américaines disponibles mais
Sasol prévoit d'abaisser ce seuil à 50 000$/bpj dans les nouveaux projets de
grande taille lancés en Chine (article).
A noter que des projets comparables, avec niveaux d'investissements de 50 000 à 70 000$/bpj ont déjà été réalisés au Canada avec les sables bitumineux (voir syncrude) et ont donné de grosses unités de productions très rentables.
En dehors de la Chine qui a décidé de développer à grande échelle le procédé « coal to liquid » pour subvenir à ses besoins en pétrole, certains responsables politiques aux USA commencent à faire pression dans le même sens, notamment pour que les USA dépendent moins des dictatures religieuses moyen-orientales.
Voici le point de vue d'un sénateur américain démocrate en faveur du "coal to liquid"
Et pour finir une étude technique économique et stratégique sur la transformation charbon -> pétrole.
Pourquoi ce procédé n'a -t-il pas déjà été massivement développé ? Tout simplement parce que le pétrole au dessus de 40$/baril est un phénomène très récent et que vu les investissements nécessaires, beaucoup d'entreprises et d'investisseurs attendent encore d'être sûrs que ces niveaux de prix seront maintenus à l'avenir.
En résumé, avec des réserves en charbon prouvées d'au moins 200 ans et la possibilité de fabriquer du pétrole synthétique à prix raisonnables à partir du charbon ou des sables bitumineux, nous ne manquerons certainement pas de pétrole après la crise. Il sera juste un peu plus cher que les 15-30$ que nous avons connu à la fin des années 90 (mais on sait en fabriquer à des prix inférieurs au cours actuel du baril).
Evidemment ce n'est pas une bonne chose du point de vue de l'effet de serre, mais c'est quand même très probablement la « solution de facilité » qui sera choisie après la crise en attendant qu'on parvienne à maîtriser le solaire à des prix suffisamment bas (espérons que cela se fasse assez vite), ou la fusion dans un avenir lointain.
D'un point de vue géopolitique, le charbon liquéfié offre un autre avantage : celui de ne plus dépendre du Moyen-Orient et de ses dictatures religieuses. Le charbon est présent sur tous les continents et il est frappant de penser qu'avec les 500 milliards de $ gaspillés inutilement dans la guerre en Irak (coût moyen estimé, certains prévoient des chiffres bien plus élevés), les USA auraient pu se construire une capacité de production de 10 millions de barils / jour (soit près de la moitié de leurs besoins) en "coal to liquid", et bien plus encore si des capitaux privés avaient été associés à l'opération.
Ils auraient ainsi porté un sérieux coup à l'ensemble des dictatures religieuses du Moyen-Orient d'une façon totalement pacifique et naturelle (il n'y aurait même pas besoin de sanctions ou de blocus) au lieu de les financer abondamment et seraient en prime devenus indépendants énergétiquement...
Cette stratégie de l'isolement avait d'ailleurs bien fonctionné face au bloc communiste et peut-être que ce sera finalement ce qui sera fait dans les 15-20 prochaines années comme le suggère le sénateur démocrate Bryan Schweitzer !
Le secteur « coal to liquid » sera en tout cas sans aucun doute un thème d'investissement très porteur après la crise. Gardons en réserve le nom de la firme sud-africaine Sasol pour la prochaine reprise !