Vous aimez écrire ? vous souhaitez que vos textes soient publiés dans cette rubrique ? contactez-nous
Un scénario alternatif à un retour à une situation de forte récession pouvait
être envisagé avant les récents problèmes de dette souveraine de la Grèce :
Qu’il y ait une période longue (10 à 20 ans) de déflation douce et de stagnation
économique, associée à une hausse régulière des dettes publiques jusqu’à
atteindre par exemple le niveau japonais (plus de 200% du PIB d’endettement
public brut*), sans que cela ne pose de problème au marché obligataire (maintien
de taux bas).
* Ce chiffre doit être fortement relativisé, puisque la dette
gouvernementale japonaise détenue par le secteur privé ne s'élève en fait qu'à
52% du PIB.
Les récents développements intervenus en Europe, avec des hausses importantes
sur les taux à 10 ans de la Grèce, du Portugal,
de l'Irlande, et dans une moindre mesure de l'Espagne
sont un signal très clair envoyé par le marché : Ce scénario à très peu
de chances de se réaliser chez nous, puisque plusieurs pays commencent déjà à
inquiéter le marché (la Grèce ayant largement franchi la ligne rouge).
Le modèle japonais a nécessité la présence de trois facteurs :
- Un pays où un excédent commercial important et régulier a persisté
tout au long de la période de déflation douce, grâce à l’existence d’un
secteur industriel fort et exportateur.
- La présence d’un grand nombre d’épargnants ayant besoin de préparer
leurs retraites, et qui investissaient régulièrement dans les obligations d’état.
- Un taux de détention des obligations d’état japonaises par l’étranger
très faible (6%), qui rendait le Japon très peu dépendant du
comportement des investisseurs étrangers.
En résumé, les opérateurs privés Japonais gagnaient de l’argent via
leurs échanges commerciaux avec l’étranger, et investissaient cet argent en
obligations d’état, ce qui permettait à l’état japonais d’augmenter sa dette et
de poursuivre une politique de déficits sur une longue durée tout en bénéficiant
de taux très bas.
Pour l’Europe et les USA, aucun de ces trois facteurs
n’existe :
- Nous avons affaire à des pays majoritairement désindustrialisés et
déficitaires dans leurs échanges commerciaux (avec quelques exceptions comme
l’Allemagne).
- Les épargnants du secteur privé ont moins de liquidités pour acheter des
obligations d’état.
- Les états sont très dépendants de l’étranger pour le financement de leur
endettement.
Voici à titre d’exemple quelques données pour la France :
- Part de la dette négociable détenue par l’étranger : 67%
- Cette part est passée de 60 % fin 2007 à 67,9 % fin 2009.
- En montant, la part de l’étranger dans la dette négociable est passée de 552 à
779 milliards d’€, soit une hausse de 227 milliards d’€.
Dans le même temps la dette négociable totale de l’état a augmenté également de
227 milliards d’€. Cela signifie qu’en flux nets, ce sont les opérateurs
étrangers qui ont financé depuis 2 ans 100% de notre déficit budgétaire !
Pour les USA, le niveau de dépendance est moins élevé, mais un peu plus de 50%
de la dette publique US est détenue par l’étranger, et les données récentes des
deux dernières années montrent que l’étranger a financé 45 à 50 % de
l’accroissement de la dette publique US.
Un problème supplémentaire aux USA vient du fait que la maturité de la dette est
courte, avec plus de 50% de la dette arrivant à échéance dans moins de 2 ans.
La situation des USA est donc au final à peine meilleure que celle de l'Europe
du point de vue de la dépendance vis à vis des créanciers étrangers.
Ces différences avec le Japon nous montrent que le scénario japonais a très peu
de chances de se renouveler en Europe, ou même aux USA. Mais quels scénarios
prévoir une fois que les pays étrangers prendront peur et ne voudront plus
financer nos déficits ?
a) Le scénario le plus optimiste :
Les états poursuivent leur fuite en avant dans le déficit, mais les épargnants
nationaux prennent le relais des financeurs étrangers pour financer celui-ci,
permettant aux taux de rester bas pendant des années.
L’ennui dans ce cas est que les plans de relance deviendraient rapidement
inopérants : Tout l’argent dépensé par l’état pour relancer l’économie finirait
simplement dans les bas de laine des épargnants (contrairement à la situation
actuelle de reprise artificielle où de « gentils » mécènes étrangers paient les
ménages européens et américains pour que ceux-ci puissent consommer autant
qu’avant pendant quelques temps encore). La récession et la déflation font alors
son retour.
b) Le scénario rigueur / déflation :
Les états prennent conscience du danger à temps et donnent un gros tour de vis
budgétaire (coupes dans les dépenses + hausse des prélèvements), cela provoque
un retour à une situation de récession / déflation, mais préserve la confiance
des marchés dans les états. C’est évidemment le scénario qui est le moins
mauvais à long terme.
Vu la situation de fuite en avant actuelle, qui atteint des niveaux totalement
délirants, il faut être conscient que ce tour de vis devrait être rapide et de
très grande ampleur pour simplement approcher l’équilibre budgétaire : Le budget
2010 envisage ainsi des recettes nettes (après prélèvements des collectivités
territoriales et de l’Europe) de 169 milliards et des dépenses nettes de 322
milliards : Les recettes nettes (fiscales et autres) couvrent ainsi à peine plus
de 50% des besoins de notre état, le reste n'étant que de la fuite en avant dans
la dette !
c) Le scénario argentin :
L’état tente de limiter ses déficits, mais son action n’est pas suffisante et
pas assez rapide pour rétablir la confiance des marchés. Après une période de
déflation et de crise, pouvant durer plusieurs années, associée à des défauts
d’un nombre croissant d’états, puis à l’éclatement de la zone euro, la pression
des créanciers devient telle que notre état doit se déclarer en situation de
défaut.
Il négocie alors avec ses créanciers un remboursement partiel de sa dette
suivant un scénario de type argentin (les détenteurs d'obligations d'état qui
veulent être remboursés rapidement touchent par exemple 30% de la valeur de leur
créance, ceux qui sont moins pressés 60%…etc).
La monnaie se trouve fortement dévaluée, le pouvoir d’achat et les niveaux de
protection sociale chutent fortement, jusqu’à ce que les salaires rendent la
France de nouveau compétitive sur le plan international.
L’économie repart ensuite sur des bases assainies.
d) Le scénario « planche à billets ».
L’état décide ici d’explorer la fuite en avant jusqu’au bout, refuse de
reconnaître sa situation de faillite quand il ne parvient plus à trouver
d'acquéreurs étrangers ou nationaux pour sa dette, et décide de faire acheter sa
propre dette par la banque centrale (après sortie de l’euro), imprimant ainsi la
monnaie dont il a « besoin » pour financer son déficit.
Dans ce scénario qui est quand même pour le moment le moins probable et le pire
imaginable, notre monnaie perdrait rapidement toute sa valeur et toute sa
crédibilité à l’international.
Le pays ne pourrait plus s’approvisionner à l’étranger en matières premières et
en pétrole, et les fonctionnaires (notamment l’armée et la police) seraient
payés dans une monnaie sans valeur. Ce serait une situation évidemment explosive
rendant possible toutes sortes de dérives totalitaires ou anarchiques.
e) Le rôle du FMI
On entend actuellement beaucoup parler du FMI comme "sauveur potentiel" des
états en difficulté. Mais là encore il faut être réaliste : L'essentiel des
ressources du FMI provient des USA et de l'Europe, c'est à dire d'états
surendettés.
Une aide du FMI (tout comme le plan de soutien de l'Europe à la Grèce), ce n'est
au final que des états surendettés qui empruntent de l'argent pour pouvoir
permettre à un état encore plus surendetté de continuer sa fuite en avant. Cela
revient à creuser une série de trous pour boucher un trou plus petit !
Ajoutons à cela que les ressources du FMI sont d'environ 239 milliards de $, ce
qui représente moins de 13% du montant de la dette d'un état moyen comme la
France.
En cas de défaut d'un seul état moyen type France ou Angleterre, le FMI serait
donc totalement dépassé, et le serait encore plus dans un contexte de défaut de
plusieurs états :
Nous ne pourrons en aucun cas compter sur le secours du FMI pour des états de la
taille de la France.