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Mars 2007 - mars 2010 : même combat ?

Par Loïc Abadie

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Les mois de février-mars 2007 avaient marqué le début officiel de la crise des "subprimes", avec une première vague de baisse des marchés financiers de 8 à 10% et les premières révélations sur des défauts massifs sur la catégorie d'emprunteurs les plus fragiles.

Je l'avais expliqué à l'époque, ces subprimes considérés de façon isolée n'étaient pas une une menace suffisante pour mettre en péril le système financier, qui disposait des ressources pour y faire face.

Par contre ils étaient un témoin d'alarme d'un fait nouveau beaucoup plus grave : L'expansion de la bulle de crédit à des niveaux sans précédents historiques avait atteint ses limites, et le modèle de croissance artificiel qui reposait sur l'expansion de cette bulle était en train de casser.

A l'époque, les marchés n'avaient non seulement rien anticipé de cette crise qui a débuté en février 2007, mais ont refusé de prendre en compte ses premiers effets visibles.
Il a fallu attendre le 10 octobre 2007 pour voir le Dow s'engager enfin sur la voie de la baisse, 7 à 8 mois plus tard !

Cette absence d'anticipation des marchés, assez inhabituelle, peut s'expliquer par le fait que les opérateurs ont tout simplement refusé d'envisager qu'un modèle qui fonctionnait depuis environ 25 ans (aux USA) pouvait "caler" subitement.

Aujourd'hui, un autre modèle économique a remplacé le précédent : Les états cherchent à remplacer les effets de l'expansion de la précédente bulle de crédit en se lançant dans une fuite en avant "frénétique" dans le déficit public qui atteint une intensité quasiment comparable à celle d'une période de guerre (8 à 12% du PIB selon les pays).
Les marchés se sont donc remis à monter, en faisant l'hypothèse que ce "nouveau" modèle (en fait pas franchement nouveau, vu qu'il ne s'agit que d'une version amplifiée des précédentes relances étatiques par la dette) pourrait fonctionner durablement et être prolongé aussi longtemps que nécessaire jusqu'à ce que l'économie reparte miraculeusement toute seule.

Puis l'affaire de la dette Grecque a éclaté. Comme pour les subprimes, pris isolément, ce problème n'est pas très grave. La dette publique Grecque représente environ 400 milliards d'€. Il suffirait d'environ 150 milliards d'€ pour la ramener à un niveau raisonnable. Un montant qui est largement à la portée des autres pays européens, il représente environ 1 mois 1/2 de déficit public US.
Mais ici encore, le vrai problème est que la Grèce a toutes les chances d'être un signal d'alarme de même nature que les subprimes : Un message qui nous dit que la fuite en avant des états dans la dette publique est sur le point de toucher de ses limites, et que le modèle actuel va donc casser à son tour, les marchés (en Europe) ou l'opinion publique (aux USA) forçant les états à un retour à plus de rigueur budgétaire.

Voici un tableau de la situation d'endettement de divers états fin 2009 / début 2010, les "PIIGS" censés être plus fragile que les autres pays figurant en rouge :

  Dette publique en % du PIB, fin 2009   Déficit public en % du PIB, fin 2009
Grèce 113 12,5
Portugal 77 9,3
Espagne 59,5 11,4
Italie 115 5
Irlande 63,7 11
Grande-Bretagne 68,5 12,5
France 79,7 8,2
Allemagne 77,2 5% (6,5% attendus en 2010)
Japon* 192,1 (dette nette autour de 100%) 8,5
USA** 73 10,4


*Pour les USA, afin d'essayer d'être le plus homogène possible par rapport aux autres pays, j'ai pris en compte la dette détenue par le public (hors dette intra-gouvernementale), à laquelle j'ai ajouté la dette des états et collectivités locales.

** Pour le cas particulier du Japon, je renvoie à cet article qui explique assez bien la tolérance étonnante du marché vis à vis des niveaux d'endettement atteints.

Nous voyons dans ce tableau qu'en dehors de la Grèce, les autres pays sont dans une situation assez similaire : l'endettement des "PIIGS" (hors Grèce) qui a récemment fait la une de l'actualité n'est absolument pas pire que celui de pays comme la France, l'Angleterre ou les USA.
L'Italie est certes plus endettée que la moyenne, mais le déficit (intensité de la fuite en avant) y est moins important.

Donc si le marché s'est montré inquiet au sujet de l'Espagne, l'Italie, L'Irlande ou le Portugal, cela signifie que les autres pays sont implicitement tout aussi concernés, et qu'il va être très difficile pour les états de poursuivre leur politique actuelle.

Bien entendu, le marché pourra refuser d'entendre l'avertissement grec pendant quelques mois : Là aussi, arrêter dès maintenant le mouvement de hausse supposerait pour les opérateurs d'accepter qu'un modèle (la relance étatique) qui a semblé fonctionner pendant des décennies (en créant au final le plus grand déséquilibre financier de l'histoire) cesse de le faire aujourd'hui.

Comme pour les subprimes durant le printemps et l'été 2007, ceux-ci pourraient donc s'accrocher à leurs illusions quelques temps en se disant "ce n'est qu'un problème grec, rien de grave". Jusqu'à ce que la pression des marchés et de l'opinion publique américaine soit suffisante pour rendre plus évidente l'impossibilité des états de continuer leur politique actuelle.

Loic ABADIE

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