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Les réactions de nos dirigeants à la nouvelle étape de la crise, étape qui a
débuté fin 2009 avec les doutes sur la solvabilité de la Grèce, sont absolument
semblables aux réactions que peut avoir un petit enfant après avoir subi un choc
ou fait une bêtise.
Au lieu d’affronter la réalité et de chercher une solution, l’enfant va :
1) Chercher un responsable autre que lui.
2) Se réfugier dans un monde imaginaire.
3) Occulter le problème en essayant de gagner un peu de temps pour que le
problème disparaisse miraculeusement.
Le problème actuel de l’Europe (qui est aussi celui des USA) est le suivant, il
a été expliqué à de nombreuses reprises ici :
- Nous avons vécu à crédit pendant des décennies au dessus de nos moyens, et
notre niveau de vie artificiellement élevé est sans rapport avec celui qui
devrait correspondre à notre niveau de production de richesses réelles.
- Le maintien de ce niveau de vie ne dépend à terme que du bon vouloir des
générations futures et de nos créanciers étrangers, qui financent nos déficits.
- Nos créanciers étrangers étant également nos fournisseurs en énergie, matières
premières et biens de consommation indispensables pour nous, nous sommes
totalement dépendants de l’appréciation qu’ils se feront de notre solvabilité,
appréciation qui fixera à terme la valeur de notre monnaie dans les échanges
internationaux.
Quand on est débiteur de quelqu'un et en même temps dépendant de lui pour ses
approvisionnements, le rapport de force n'est évidemment pas en faveur du
débiteur, surtout si le créancier perd tout espoir de recouvrer sa créance.
Beaucoup semblent ignorer cette évidence.
Dans ce contexte, la seule solution valable à long terme consiste :
- A liquider l’excès de dette de façon ordonnée, ce qui suppose dans certains
cas d’accepter des faillites encadrées (négociations avec les créanciers d’une
réduction du montant de la créance en échange de toute garantie de remboursement
de la part d'un état).
- A réduire de façon drastique le train de vie de nos états pour restaurer les
équilibres budgétaires indispensables au maintien de la part de nos créanciers
et fournisseurs d’un niveau de confiance suffisant dans notre monnaie.
- A réorienter nos économies vers la production de richesses réelles, en
restaurant notre compétitivité via des mesures comme le revenu d’existence,
associé à un marché du travail beaucoup plus flexible, qui abaisserait fortement
le coût du travail, sans perte de revenu (hors conséquences directes de la
crise) pour les salariés.
Mais bien entendu, au lieu d’affronter le problème en face, nos dirigeants
préfèrent :
1) Rechercher des boucs émissaires.
Les boucs émissaires désignés sont ici :
- Les « spéculateurs » ou même les « marchés »
- Les agences de notation
- Les USA
- Les pays exportateurs
Il est tellement agréable d’essayer de se persuader et de faire croire à
l’opinion que la crise actuelle est due à ces boucs émissaires : Il suffirait
ainsi de supprimer les spéculateurs ou les agences de notation (pour les USA ce
sera quand même plus difficile), pour tout arranger miraculeusement !
Le vrai problème (bulle de crédit et économie en survie artificielle dépendante
du bon vouloirs de nos créanciers) sera toujours là, mais rêver est plus facile
qu’agir.
2) Se réfugier dans un monde imaginaire.
Certaines solutions proposées ces derniers temps sont franchement amusantes par
leur naïveté.
Nous pouvons relever ces perles par exemple :
a) Créer une agence de notation européenne (idée de Michel Barnier, reprise par
des dirigeants de divers pays européens).
La note de certaines agences déplaît aux gouvernements notés ? Faisons donc en
sorte que les gouvernements se notent eux-mêmes !
Allons jusqu’au bout de la logique, et fabriquons une agence contrôlée par
l’état chargée de noter la qualité de la dette de l’état. Ainsi nous serons
certains que la France gardera sa note AAA quoi qu’il arrive (on pourrait même
inventer une notation AAAA ou AAAAA pour prouver au monde extérieur
l'exceptionnelle solidité des finances de notre état).
Ensuite, on pourrait proposer aux candidats du baccalauréat de fixer eux-mêmes
leur note.
b) Demander aux pays qui font des excédents commerciaux de revoir leur
politique.
La Chine, l’Allemagne, le Japon et de nombreux autres pays réalisent des
excédents commerciaux en échangeant des biens avec nous. Toute personne
normalement constituée se dirait « il serait temps de nous remettre en cause
pour retrouver une compétitivité suffisante face à eux ».
Mais non, pour le boomer-cigale de base, il suffirait de demander à ces pays de
cesser de faire des excédents commerciaux.
Certains habitants de « l’île aux enfants » proposent même des dispositifs
monétaires type « bancor »* visant à pénaliser les pays « trop » exportateurs et
ne semblent même pas douter un seul instant que les pays exportateurs les
accepteront avec enthousiasme !
Le boomer ne doute en fait absolument de rien, il est convaincu d’être au centre
de l’univers et persuadé que tout lui est dû. Il lui semble donc tout à fait
naturel de demander aux pays exportateurs, qui produisent des richesses réelles,
épargnent et travaillent, non seulement de financer gentiment son train de vie à
crédit, mais aussi de faire en sorte que ces pays corrigent ensuite encore plus
gentiment les déséquilibres provoqués par cette vie à crédit.
Nous attendrons la réaction amusée des pays exportateurs…
* Au sujet du bancor, l'idée d'une monnaie de réserve et d'échange
internationale basée sur un panier de matières premières est bonne, si il s'agit
d'un système monétaire à réserve pleine.
Par contre penser un seul instant que des pays exportateurs puissent accepter
d'être pénalisés par une sorte d'"autorité monétaire mondiale" pour avoir "trop"
exporté est d'une naïveté tout à fait stupéfiante.
c) Faire acheter la dette des états par la BCE.
Voilà une solution qui pourrait être expérimentée prochainement. C’est tellement
simple :
Un état dépense trop et ne trouve plus de prêteurs pour financer son train de
vie ?
Qu’à cela ne tienne, il va demander à la BCE d’acheter ses dettes à un prix
(taux) cadeau en lui fournissant tous les euros nécessaires et il n’y a plus de
problème !
Et comme nous vivons sur une planète enchantée où tout le monde est beau, gentil
et solidaire envers les boomers, les pays qui nous fournissent en pétrole,
uranium, matières premières et biens de consommation divers vont continuer
gentiment à nous donner indéfiniment tout ce dont nous avons besoin pour notre
confort de consommateur en échange des euros imprimés en masse par la BCE.
Et des pays comme l’Allemagne seront enthousiastes à l’idée d’imprimer des euros
pour les donner aux pays les plus dépensiers et les plus irresponsables et ne
s’inquièteront pas un seul instant d’un risque d’effondrement de la valeur de
l’euro.
Le monde de Casimir est merveilleux et si facile à vivre !
3) Occulter le problème en gagnant un peu de temps.
- Le fonds d’aide européen.
Ce dispositif « novateur » est financé entièrement par des emprunts des pays
membres de l’Union Européenne, qui sont presque tous très endettés et en
situation de déficit public très élevé. Donc les états dépensiers empruntent
pour permettre aux états encore plus dépensiers d’emprunter plus.
En clair, il s’agit de creuser un trou pour en reboucher un autre (tout en
creusant en même temps d’autres trous pour financer les innombrables déficits
publics existants en parallèle).
Cela s’appelle un « mécanisme de stabilisation de la zone euro » ...Vous avez
bien lu !
Nous pourrions peut-être essayer cela sur les fondations des immeubles, en
creusant de multiples trous pour stabiliser les grands édifices...
Ce fonds d'aide a quelques variantes : Budget et emprunt européen proposé par
Jacques Attali par exemple...Comme si le fait d'associer un ensemble d'états
surendettés allait donner à ce groupe d'état une solvabilité meilleure et une
nouvelle capacité d'emprunt (sans compter qu'en période de crise, les forces
sont centrifuges, et personne n'a envie de payer pour les autres)
- La réduction des déficits sans rigueur
Dans notre monde enchanté, les déficits se réduiront tout seuls dans les années
à venir, et sans effort important. Un débat surréaliste agite ainsi la classe
politique française en ce moment :
L’état Grec est en quasi-faillite, d’autres états (Portugal, Irlande, Espagne et
même Italie) inquiètent de plus en plus les marchés (en attendant le tour de
l’Angleterre et de la France), et nous avons un gouvernement qui affiche
l’objectif de régler le problème du déficit en 2020…
Et aussi un Président qui affirme que la rigueur est contre-productive (sans
doute que la faillite d’un état serait plus « productive » ?), alors que
l’opposition fait encore plus fort en accusant le gouvernement d’en faire trop
en matière de rigueur !
Nous avons donc une maison qui commence à brûler, une équipe de pompiers qui
affirme qu’il serait « contre-productif » d’ouvrir la lance à eau pour éteindre
le feu (mais qu'il faudra quand même y penser dans dix ans si tout se passe
bien), et une autre équipe concurrente qui accuse la première équipe d’utiliser
en catimini cette lance à eau !
Il n’y a visiblement plus d’adultes à la tête de l’Europe, et tous nos
dirigeants vivent pour l'instant dans le monde merveilleux de Casimir. Et il en
est de même aux USA.