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L'oncle Picsou n'est pas mort et il vous salue bien

Par Rodolphe Vialles

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C'est peu dire que le libéralisme a pris du plomb dans l'aile depuis quelques semaines ! Il arrive un moment où on se pose des questions sur les limites à introduire dans le système qu'on aurait souhaité il y a peu le plus flexible possible, le business, c'est bien connu, ayant besoin de "cette huile" pour que ses rouages fonctionnement du mieux possible. Longtemps partisan d’un libéralisme débridé, sans contraintes et posant pour bases que le système et les acteurs s’autoréguleraient, les derniers développements sur les banques écornent les certitudes les mieux ancrées.

La situation actuelle n’a échappé à personne, nous traversons une des plus graves crises, si ce n’est la plus grave de l’économie moderne. Pour y faire face, on voit les « pompiers » à l’œuvre aux quatre coins du globe, les bonnes volontés et les idées originales affluent pour sauver le système. On peut critiquer et disserter des heures sur la manière mais ce n’est certainement pas en restant les bras croisés que l’on éteindra l’incendie. L’avenir nous dira si la réponse était adaptée et souhaitons qu’elle le soit…

Du côté des individus le profil bas est de rigueur, tout le monde doit se serrer la ceinture et s’appliquer à dégager des gains de productivité. Les uns pour sauver leurs entreprises, les autres pour garder leurs emplois. Seuls nos syndicats n'ont pas encore bien compris les enjeux à en juger par la foule qui défile en ce moment devant mon bureau...

Le monde a changé depuis quelques mois et il faut se rendre à l’évidence que plus rien ne sera comme avant. Tout à changé, on demande de la flexibilité, du rendement, des remises en cause, des efforts à tous le monde, sauf… aux banquiers. Quand je dis « banquiers » je ne parle pas des salariés des banques mais du « top management ». Ceux là semblent encore vivre dans leur bulle, déconnectés des réalités.

Rien que cette semaine, deux exemples illustrent à merveille le cynisme et la cupidité dont ils font preuve :

- L’affaire AIG : le géant américain au bord de la faillite, celui là même qui a couté le plus cher aux contribuables américains pour sa survie, vient de distribuer généreusement 165 millions de dollars du peuple en bonus ! Le scandale est énorme d’autant que plusieurs récipiendaires ont quitté la compagnie depuis plusieurs mois et que les personnes à la tête des départements les plus catastrophiques font parti des heureux gagnants. 76% des américains estiment que ces primes doivent être remboursées, le seront-elles totalement ou en partie ? le mystère reste entier mais le mal est déjà fait.

- Deuxième exemple, cette fois-ci bien de chez nous, avec la vénérable Société Générale. Notre banque « star » aux pertes de trading abyssales et au célèbre Jérôme Kerviel. Là on n’y va pas avec le dos de la cuillère et dans un grand élan de générosité le conseil d’administration du groupe vient d’ouvrir le chéquier. Sans doute pour récompenser cette « formidable » année 2008 qui restera dans toutes les mémoires. Daniel Bouton, le président du groupe reçoit donc 70 000 stocks options (on se demande surtout comment il a pu sauver son siège ?), le directeur général empoche lui 150 000 stocks options et quelques autres « super-cadres » verront leur compte crédité de 50 000 options.

Petit calcul à présent car les stocks options ce n’est pas toujours parlant. Pour faire court, ces options leurs permettent d’acheter l’action du groupe à un prix déterminé à l’avance et de les revendre aussitôt pour empocher la plus value. L’élément déterminant, outre le nombre, est donc le prix d’achat fixé par l’option. Le prix est de 24,45 euros, un cours au ras du plancher qui assure déjà plus de 750 000 euros de gains virtuels au directeur général, quelques jours seulement après la réception de ces options. Certes elles sont bloquées 3 ans mais quand même il ne faut pas pousser. Le prix aurait du être fixé bien plus haut pour au moins « challenger » les hommes. Au final, ils n’auraient tout simplement pas du en avoir du tout. Encore une fois on récompense la médiocrité.

Loin de moi l’idée de jeter aux orties le mécanisme des stocks options, c’est un très bon dispositif pour les cadres dirigeants. Cependant il doit impérativement être conditionné à des performances de haut niveau. On ne peut pas emmener son groupe à la faillite et se payer sur la bête, c’est inadmissible.

Ces deux petits exemples m’ont fait réagir mais on pourrait développer le propos à l’envie : La nomination de Monsieur Pérol à la tête du futur n°1 bancaire français Caisse d'Epargne-Banque populaire… le rôle de financement de l’économie et notamment des PME qui n’est assuré qu’au compte goutte et avec des profils de risques inexistants sur les dossiers… la cupidité encore pour se faire plumer par Madoff et ses rendements irréalistes...

Les exemples sont infinis. Le libéralisme impose des droits et des devoirs et pour certains acteurs économiques on voit chaque jour qu’ils sont incapables de s’autoréguler. Je ne suis pas un chantre de l’intervention de l’Etat mais il faudra malheureusement en passer par là pour assainir le système et calmer la (légitime) grogne populaire.


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